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mais c’est quand elle se trouve jetée hors de la matière : elle n’invoque le Dieu inconnu que quand elle n’a plus d’autre ressource. Quelles passions, quels nobles intérêts pourra-t-on rattacher à l’existence d’un principe supérieur qui n’est ni l’âme ni le corps, à cette énergie qui n’a rien de commun avec notre propre énergie ? S’il nous faut croire à autre chose qu’à ce qui tombe sous les sens, au moins voulons-nous que notre foi s’incline devant quelque chose de grand, de puissant et de libre.

Le système métaphysique de M. Hirn est en somme le suivant : il y a des atomes, il y en a plusieurs espèces, et il est fort probable que les corps admis jusqu’ici comme élémens sont en effet des corps simples. Les atomes matériels sont inélastiques et indivisibles. En dehors de la matière divisée en particules, il y a trois principes transcendans : la gravité, qui agit sur la masse, sur la totalité de l’atome matériel ; la chaleur, qui n’agit que sur la périphérie des atomes, et qui est indépendante de la masse et de la nature de ceux-ci ; l’électricité, qui agit de même sur les atomes, indépendamment de toute notion de masse, mais dont l’action est en quelque sorte élective et dépend de la nature propre de ces atomes. Ces trois principes coexistent dans les corps, chacun s’y manifeste par des phénomènes spéciaux. Un corps est donc, à proprement parler, une collection d’atomes matériels, immuables en volume, tenus à des distances variables par les principes intermédiaires manifestés comme forces, et qui, remplissant également l’espace infini, servent de trait d’union entre toutes les parties de la matière. Le mouvement d’un atome ne peut se communiquer directement à un autre atome ; l’intervention du principe intermédiaire est nécessaire. L’un des caractères de l’élément intermédiaire est d’être soustrait aux conditions finies du temps et de l’espace. « La vitesse de propagation de ce que nous appelons l’attraction universelle, celle des attractions électriques, magnétiques, est infinie, ou plutôt cette vitesse n’existe pas. » L’élément dynamique échappe à toute sensation, à toute détermination. Si l’on en admet l’existence, on se condamne à regarder les points matériels comme des centres géométriques de force, à considérer l’atome comme une sorte de Dieu.


II

Les théories de M. Hirn sur l’âme le cèdent à peine en originalité à ses théories sur la matière. Si puissant qu’il soit, son principe dynamique transcendant n’a pas sous son gouvernement direct les êtres animés. A là force appartiennent les froids domaines