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peuvent le mieux marquer leur supériorité en face des musulmans.

Cette supériorité s’affirme de plus en plus par les progrès de l’instruction publique chez les Grecs. On peut dire qu’ici toutes les voies lui sont ouvertes et qu’elle n’a aucun obstacle sérieux à redouter. J’ai entendu des Athéniens se plaindre que l’enseignement est superficiel et ne peut pas entrer en comparaison avec ce qu’on trouve en Allemagne, en Angleterre et en France. Jusqu’à présent en effet, les Grecs n’ont guère contribué à l’avancement général de la science : il ne suffit pas pour atteindre ce but qu’une ville renferme un homme instruit dans chaque partie ; il faut à ce savant un milieu où il se retrempe sans cesse, où ses idées se développent et se rectifient en se communiquant. Ce milieu n’existe pas encore : il se forme, il se complétera, et cela d’autant plus vite que les communications avec l’Occident seront plus faciles, plus rapides et plus nombreuses ; mais, avant d’en venir là, nous comprenons fort bien que les hommes instruits de la Grèce aient eu autre chose à faire que de viser à des découvertes. Au sortir de la guerre de l’indépendance, quelle instruction y avait-il dans ce pays, combien de collèges et d’écoles, combien de professeurs et de maîtres ? Où en était, je ne dirai pas le savoir, mais la langue elle-même ? Quelle éducation avaient reçue non-seulement les femmes, mais les hommes ? On peut répondre aucune, si l’on excepte les personnes qui avaient vécu à l’étranger, en Allemagne, en France, en Italie, en Angleterre ou même en Russie. Tout était donc à faire : en 1830, la Grèce était comme une solitude parcourue par des klephtes victorieux et ignorans. Il fallut d’abord organiser un état politique quelconque et constituer un peuple. On ne songea guère sérieusement à l’instruction publique qu’après l’arrivée du roi Othon et des Bavarois. Cependant dès 1847, à l’époque où nous vînmes fonder notre école d’Athènes, nous trouvâmes des écoles nombreuses, des lycées, une université régulièrement organisée[1], un observatoire, et dans la société hellénique une extrême ardeur à s’instruire. Durant ces vingt dernières années, le progrès de toutes ces institutions a été constant. Il y a des écoles primaires dans toute la Grèce, écoles où l’on apprend non-seulement à lire, à écrire et à compter, mais où le plus souvent, à côté de la langue usuelle, on étudie la langue ancienne, qui lui sert de correctif et de complément. Les lycées d’enseignement secondaire se sont développés et multipliés ; on en trouve dans les principales villes. L’université d’Athènes, organisée à peu près sur le modèle de celles de l’Allemagne, attire

  1. Voyez, dans la Revue du 1er novembre 1847, l’Université d’Athènes et l’Instruction publique en Grèce, par M. Ch. Lévêque.