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convention du 15 septembre 1864 et du changement de capitale, avait jeté les Piémontais dans un camp d’hostilité chagrine. Aujourd’hui ces divisions vont cesser par la reconstitution d’un ministère où entrent un chef de la fraction piémontaise, M. Ferraris, un membre du tiers-parti, M. Mordini, et même un des signataires de la convention du 15 septembre, M. Minghetti. Le général Ménabréa et M. Cambray-Digny restent dans le cabinet renouvelé. C’est là certes une crise salutaire d’où le gouvernement de Florence sort avec une force nouvelle qui lui permet de faire face à toutes les difficultés, et les Italiens prouvent une fois de plus qu’ils n’ont pas épuisé cet esprit politique par lequel ils sont devenus une nation. ch. de mazade.




REVUE DRAMATIQUE.

THÉATRE-FRANÇAIS : JULIE, drame en trois actes, de M. Octave Feuillet.
LE POST-SCRIPTUM, comédie en un acte, de M. Émile Augier.

Le drame que M. Octave Feuillet vient de faire représenter au Théâtre-Français est une des œuvres les plus délicates et les plus fermes qu’ait produites cette heureuse imagination. Ce qui nous y frappe surtout, c’est la nouveauté de certains détails et comme les indices d’un art qui se transforme. L’auteur de la Clé d’or et du Cheveu blanc, de Dalila et de Sibylle, de Montjoie et de M. de Camors, l’inventeur privilégié à qui nous devons tant de figures aimables ou de créations puissantes, a traversé plusieurs phases depuis ses premiers débuts. D’abord timidement gracieux, initié à toutes les délicatesses féminines, à toutes les nuances de la vie mondaine, bientôt ému, passionné, violent même, plus tard énergique et redoutable, mais se possédant toujours, le jeune maître, accoutumé à vivre avec les colombes, avait fini par descendre sans peur dans la fosse aux lions. C’est l’éloge que lui donnait notre collaborateur et ami, M. Émile Montégut, dans une étude excellente sur M. de Camors. Ainsi, depuis vingt ans et plus que M. Feuillet poursuit ses dramatiques peintures de la passion, il a su se renouveler bien des fois ; jamais peut-être il n’avait montré autant de simplicité, ou du moins une simplicité aussi vraie, aussi nette, aussi magistrale que dans son drame de Julie.

Composer un drame douloureux et terrible avec un tout petit nombre de personnages, mettre en jeu les passions les plus fortes, faire éclater une crise où succombera la vertu, jeter le désespoir, précipiter la mort dans une maison qui la veille encore semblait si paisible, accumuler sur un être digne des meilleures sympathies toutes les pitiés comme toutes les terreurs de la tragédie domestique, et faire cela le plus simplement du monde, en quelques traits, en quelques scènes, sans une parole de