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recueillir et condenser les observations des médecins, des philosophes et des moralistes, en y ajoutant les siennes et en faisant servir le tout à une conclusion beaucoup trop absolue. Dans notre siècle, l’art d’observer et l’art d’expérimenter ont fait de tels progrès que la question tant débattue changea bientôt de face avec la physiologie tout entière. Plusieurs méthodes ont été portées à un tel degré de puissance et de précision qu’on peut dire qu’elles ont été créées par les savans de notre temps. Qui ne sait par les résultats ce qu’ont produit pour l’avancement de la science l’observation spéciale, l’observation comparée, la statistique, l’expérimentation appliquée aux êtres vivans ? Lorsque Pinel et Esquirol déterminèrent les états et les causes physiologiques de la folie par un ensemble aussi complet d’observations et d’analyses, lorsque Gall et Spurzheim, même en des recherches qui ne devaient aboutir qu’à une doctrine bientôt abandonnée, essayèrent de montrer, à la surface du cerveau, les nombreux organes de nos diverses facultés mentales, lorsque Magendie et surtout Flourens commencèrent leurs belles expériences sur les êtres vivans, continuées avec tant de succès par les naturalistes et les physiologistes de nos jours, afin d’arriver à déterminer d’une façon précise et sûre les vraies conditions organiques des fonctions de la vie intellectuelle et morale, — tous ces travaux, exécutés par les facultés les plus rares de l’esprit aidées des méthodes les plus ingénieuses et des instrumens les plus délicats, ont répandu de telles lumières sur la question des rapports du physique et du moral qu’il en est sorti, non plus une doctrine vague et conjecturale, mais une véritable science.

La tentative phrénologique de Gall et de son école eut ceci de scientifique qu’elle avait pour but de substituer à une juste, mais vague affirmation des rapports entre l’homme physique et l’homme moral une classification des organes cérébraux exactement correspondans aux facultés, aux capacités, aux instincts, aux appétits de l’âme humaine, de manière que cette classification pût servir de base à une véritable théorie des faits psychologiques. Malheureusement ni la psychologie ni la physiologie n’ont confirmé cette doctrine. On a constaté par des exemples nombreux des états psychologiques entièrement différens et même contraires chez des individus dont le crâne offrait les mêmes apparences à la surface. D’une autre part, les physiologistes de nos jours opposent victorieusement des expériences décisives et un bon nombre d’observations pathologiques à cette dislocation des facultés réparties par les phrénologistes dans des départemens isolés du cerveau. L’expérience et l’observation enseignent que les diverses parties des hémisphères cérébraux, surtout de la substance grise, peuvent se