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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/702

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l’esprit du siècle qui poussait en avant l’ancien ministre du roi de Saxe, malgré ses antécédens et malgré les graves difficultés qu’il savait devoir rencontrer de la part de la cour de Rome et de la cour de Vienne. Un ministre ne provoque pas à plaisir des résistances nouvelles, quand il en a déjà beaucoup à combattre. Or M. de Beust trouvait dans les redoutables complications du problème des nationalités un champ assez vaste pour exiger l’emploi de toute son habileté. L’église ne croit pas volontiers à la force de « l’esprit du siècle » dont parlait le chancelier de l’empire ? Elle s’imagine que tout gouvernement qui sans restriction aucune s’appuierait sur elle en viendrait facilement à bout. Cet esprit en effet, après des élans prodigieux, est parfois pris d’une singulière défaillance, et alors il se laisse facilement enchaîner ; mais d’autres fois, surtout quand il se réveille après une longue compression, il agit avec une force irrésistible. C’est précisément ce qui est arrivé en Autriche. Après les revers de 1866, une ardente aspiration vers un ordre meilleur, s’est emparé de tous les habitans de l’empire, et parmi leurs vœux aucun ne s’exprimait avec plus de généralité et d’insistance que celui de l’abolition du concordat. De toutes parts affluaient au parlement des pétitions réclamant cette réforme comme urgente et nécessaire, et ces pétitions n’émanaient pas de quelques. campagnards ignorans, obéissant à un mot d’ordre, comme celles en très petit nombre que le clergé parvint à faire signer dans un sens contraire. La plupart étaient envoyées au Reichsrath par les autorités des communes urbaines et rurales. J’ai devant moi plus de vingt publications diverses parues l’an dernier, et réclamant toutes que l’état et le citoyen soient enfin soustraits au joug des lois ecclésiastiques[1].

Ne sont-ce point là des preuves que l’agitation était profonde et spontanée, quoique « les informations détaillées » du cardinal Antonelli aient pu lui faire croire le contraire ? Cela ne doit point nous surprendre. Dans la catholique Bavière, le président du cabinet, le prince de Hobenlohe, ne vient-il pas de déclarer du haut de la tribune que les principes du Syllabus étaient en opposition avec le développement de la vie politique moderne, et empêchaient l’accord

  1. Voici le titre de quelques-unes de ces publications : Betrachtungen ueber die kirchliche Reform, von Dr Stephan Toldy (Considérations sur la réforme de l’église) ; — Schwarze Blätter. Der geist des Concordatsb(Pages noires. L’esprit du concordat), brochure encadrée de noir en signe de deuil et comme emblème des ténèbres, — Aus dem Lande der Glaubenseinheit (le Pays de l’unité de foi) ; — Der heilige Rock (la Robe sainte) ; — Streiflichter auf die uebelstände in der catholischen Kirche (Éclaircissemens concernant les maux de l’église catholique). — La plupart de ces écrits sont anonymes. Les auteurs ne sont pas sûrs de l’avenir ; ils n’osent pas se signaler comme les adversaires d’un corps qui peut reconquérir son pouvoir. D’autres ont de bonnes choses à dire, mais craignent de livrer leur nom au grand jour de la publicité.