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bénédiction religieuse. Il recula devant l’introduction de la législation française, adoptée aujourd’hui en Italie, en Belgique, en Hollande, dans les provinces rhénanes. La nouvelle loi ne fait que rétablir, avec quelques modifications, la législation en vigueur avant le concordat. Les causes matrimoniales sont enlevées aux juges ecclésiastiques et rendues aux tribunaux laïques. Le mariage se célèbre devant le prêtre, qui en tient acte ; mais en cas de refus de sa part, pour des motifs non prévus dans le code autrichien, les futurs époux peuvent s’adresser aux autorités civiles, qui sont tenues de passer outre à la célébration du mariage. Cette loi si timide et si insuffisante donna lieu aux plus vifs débats dans les deux chambres du Reichsrath. C’est qu’en effet, sans abolir le concordat, sans même en faire mention, elle y faisait brèche et allait inévitablement devenir ainsi l’occasion de la lutte avec le saint-siège et avec le clergé catholique. C’était la répudiation du système qui, à partir du XVIe siècle, avait presque constamment présidé au gouvernement de l’Autriche. L’esprit libéral de Joseph II, depuis si longtemps banni de Vienne avec exécration, reparaissait sur la scène et allait y commander en maître. Le moment était solennel. La lutte fut vive entre les représentans des droits de l’église et les défenseurs de l’indépendance de l’état.

Chose remarquable, le concordat ne trouva guère d’orateurs pour parler en sa faveur que parmi les ecclésiastiques. Le premier qui commença l’attaque fut l’abbé Pintar, député de la Carinthie. Il ne connaît, lui, que les lois canoniques. Les conciles ont décidé qu’il n’y a de mariages valables que ceux que le prêtre consacre. Ce que l’on veut introduire dans la loi n’est autre chose qu’un concubinage privilégié. « Oui, s’écrie-t-il avec feu, je dirai avec un orateur prussien : Désormais vos employés tiendront les registres du péché. Le scandale et la honte s’avanceront tête levée sous le vêtement de votre légalité impie. » L’abbé Pintar est soutenu par l’abbé Greuter, député du Tyrol. L’abbé Greuter est une des célébrités du Reichsrath ; il raisonne serré et frappe fort. La pensée est souvent élevée, mais l’expression est violente, familière et même triviale. C’est comme un Bossuet qui aurait trop fréquenté les pâtres des Alpes tyroliennes. Il préconise le régime ultramontain avec une conviction si ardente qu’il faut bien le supposer convaincu de l’excellence de celui-ci. Il ne se tient pas sur la défensive ; il ne dissimule en rien ses idées ; il porte au contraire le fer et le feu dans les rangs pressés de ses adversaires. Les argumens dont il s’efforce de les accabler sont vigoureux, mais souvent ils font rire, tant ils paraissent étranges au milieu d’une assemblée où circule le souffle du XIXe siècle. Ses armes sont empruntées à l’arsenal du moyen âge. Ce qui serait peut-être sublime dans la cathédrale d’Inspruck paraît parfois