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de dévots. Aussi s’écroule-t-il partout. L’Angleterre l’abolit en Irlande, l’Italie s’en est presque complètement affranchie, l’Autriche, qui en a le plus souffert, l’anéantit peu à peu, l’Espagne elle-même l’abolira, en partie du moins. Chose remarquable, le clergé semble déjà comprendre les avantages que lui procurerait la séparation complète de l’état et de l’église. Il condamne cette réforme au nom du Syllabus, il continue à réclamer l’enseignement comme un monopole et l’intolérance comme un dogme ; mais, quand on lui refuse ces droits exclusifs, il demande la pleine liberté comme l’entendait Lamennais, plutôt que le salaire et la protection achetés au prix de la dépendance. C’est l’attitude prise récemment par l’épiscopat catholique en Espagne et en Irlande. En France, aucun changement considérable ne se produira dans le gouvernement sans qu’on ne tente de séparer l’état et les cultes. Les idées, les besoins, les luttes de notre temps, nous conduisent vers cette réforme. Elle s’imposera malgré tout, et ceux qui y auront opposé le plus de résistance seront peut-être ceux qui en profiteront le plus. Quelle ne doit pas être déjà la puissance de ces idées pour qu’elles soient accueillies en Autriche par la majorité de la chambre des seigneurs, composée presque uniquement de membres de la plus haute noblesse de l’empire, qu’on aurait crue volontiers obstinément attachée aux formes anciennes ! La loi abolissant la compétence des juges ecclésiastiques pour les causes matrimoniales et introduisant le mariage civil en cas de refus du clergé fut votée par 65 voix contre 45. Le triomphe des principes libéraux causa une grande joie dans presque toutes les villes. Vienne illumina. Les Autrichiens secouaient enfin cette désespérance résignée qu’on leur reproche, et qui est la conséquence naturelle de tant de revers successifs. Un avenir meilleur semblait s’annoncer. L’ombre épaisse du moyen âge se dissipait sous le souffle vivifiant des principes modernes. Le joug ecclésiastique, qui depuis le XVIe siècle avait tout comprimé, était enfin brisé. C’était comme un affranchissement ou plutôt une résurrection.


II

Le ministère cisleithanien avait également présenté aux chambres une loi destinée à soustraire l’enseignement à la tutelle de l’église. Tout peuple qui veut entrer dans une vie nouvelle doit commencer par réorganiser l’instruction publique. Les succès récens des États-Unis et de l’Allemagne montrent jusqu’à l’évidence la puissance que donne l’instruction, même élémentaire, quand elle est universellement répandue. L’Autriche avait beaucoup à faire sous ce