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M. Franz Stark, dans un travail spécial consacré aux écoles du peuple en Autriche[1], explique bien ce qui leur manquait. L’organisation des écoles allemandes de l’empire, datant de 1805, n’était pas mauvaise ; mais on n’avait rien fait pour en tirer de bons résultats. L’Autriche est restée complètement étrangère aux remarquables progrès de l’art pédagogique accomplis depuis cinquante ans en Suisse et en Allemagne. Le gouvernement et le clergé les repoussaient comme inutiles et dangereux. Les maîtres d’école, peu payés, point du tout encouragés, humbles serviteurs du curé, dont ils faisaient les commissions, communiquaient à leurs élèves leur apathie, leur dégoût de l’étude et leur molle indifférence. La religion même, l’objet principal, était très mal enseignée. Quelques prières récitées haut par tous les enfans à la fois, sans réflexion, sans élan intérieur, le catéchisme appris par cœur à un âge où on ne peut le comprendre, c’était tout ce qu’exigeait le clergé, qui abandonnait à l’instituteur le soin ingrat de cet enseignement machinal. Depuis que le concordat avait abandonné à l’église la direction exclusive de l’instruction publique et privée, aucune amélioration n’avait été introduite. S’il fallait en croire la plupart des orateurs du Reichsrath, que même les fougueux députés du Tyrol n’ont pas contredits sur ce point, l’enseignement depuis 1855 aurait plutôt rétrogradé. Le grand congrès d’instituteurs réuni à Vienne les 5, 6 et 7 septembre 1867 était arrivé à la même conclusion.

Ce congrès est l’un des événemens les plus extraordinaires qui aient signalé la régénération de l’Autriche. Dans la salle des redoutes du palais impérial, 2,000 instituteurs se sont rassemblés pour chercher en commun les réformes que réclame l’instruction primaire. Au siège de l’antique absolutisme, dans ce Hofburg où ont régné les Habsbourg et d’où Metternich dictait les lois de l’universelle compression, des maîtres d’école, à qui l’empereur François-Joseph ouvrait sa résidence, sont venus raconter leur longue servitude et parler d’affranchissement. Pour la première fois, sous ces lambris féodaux, les mots de liberté et d’égalité ont retenti. Les idées modernes ont conquis la place, non par la violence révolutionnaire, mais en forçant leurs adversaires à en reconnaître l’excellence ou du moins la nécessité. Je ne sais rien qui marque mieux l’étonnante puissance de ces idées sur les esprits de notre époque que de les entendre exprimées ainsi par ces instituteurs que l’autorité ecclésiastique avait élevés, formés, surveillés, et qui étaient accourus de toutes les provinces de cet empire si longtemps maintenu dans les ombres du passé. Quand on lit ces débats, on se croirait transporté aux premiers jours de 1789. C’est la même joie pour

  1. Die Volkschule in OEsterreich.