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politiques à suivre : ou il faut accepter sa suprématie et rédiger les lois conformément au droit canon, — alors vous aurez la paix au prix de l’asservissement, — ou il faut introduire la séparation complète, comme aux États-Unis, et ainsi l’état évite la lutte, parce qu’il ignore même l’existence des églises. « La politique de sacristain » de Joseph II, qui consiste à vouloir régler d’une façon rationnelle les rapports de l’état et de l’église, et qui prétend même réformer le clergé, est très périlleuse et très inefficace. Elle provoque les résistances furieuses des prêtres, elle multiplie les causes de conflits, et enfin elle aboutit à des échecs où succombe aussi la liberté. Vaincre l’église de haute lutte tout en lui restant spirituellement soumis est une tentative qui n’a encore réussi à personne. L’essai de fonder l’église constitutionnelle est une des œuvres de la révolution qui semblait réunir le plus de chances de succès, et il n’en est pas qui ait plus tristement avorté. En repoussant la proposition de M. Mühlefeld, qui voulait introduire le mariage civil, et en décidant que les ministres des cultes font d’office partie du comité local des écoles, le Reichsrath s’est efforcé de suivre une voie de conciliation. Il s’apercevra probablement bientôt qu’il s’est trompé. Les transactions de ce genre font plus de mal que les solutions tranchées ; c’est comme dans les unions mal assorties : mieux vaut une franche rupture qu’une brouille maussade et de perpétuelles querelles.

Les lois votées par le parlement, on se demandait avec inquiétude si elles ne seraient pas arrêtées par le veto impérial. Vivement ébranlé par les revers successifs qu’il avait subis, l’empereur sentait bien qu’il était urgent de changer de système de gouvernement ; mais les souvenirs de sa jeunesse, son éducation, sa foi, l’influence de sa mère et de son entourage, tout l’attachait aux défenseurs de la suprématie ecclésiastique. Plusieurs semaines s’écoulèrent avant que les lois nouvelles ne reçussent la sanction impériale. Déjà pendant la discussion tout avait été mis en œuvre pour agir sur l’esprit du souverain. L’impératrice était sur le point d’accoucher. On profita de cette circonstance pour s’emparer de son âme ébranlée et pour l’exciter à défendre la foi. Le saint-père lui envoya même des reliques qui furent déposées sur sa couche à Pesth, comme un sûr moyen d’attirer la bénédiction du ciel sur sa délivrance. L’empereur résista à ces pieuses manœuvres et sanctionna les lois nouvelles.

Cette tentative d’intimidation de la part du clergé donne à réfléchir. Il est étonnant de voir à quel point se trompent souvent les partis extrêmes sur les moyens d’atteindre le but qu’ils poursuivent. Aveuglés par la passion, ils n’aperçoivent que l’avantage