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Ceux de l’ami sont bleus comme un myosotis,
Ceux de l’enfant sont bruns comme les scabieuses ;
O charme des beaux yeux par l’amour assortis !

Regards éclos, au fond des prunelles soyeuses,
Magnétiques regards l’un dans l’autre fondus,
Quel poème dira vos extases joyeuses ?

Ils s’aiment… Ruisselets sous les ronces perdus,
Enflez vos voix ; fleurs d’or, entr’ouvrez vos calices ;
Volez, bleus papillons aux branches suspendus ;

Mollement et sans bruit, coulez, heures propices !
O volupté de vivre, ô volupté d’aimer,
Quel hymne redira vos intimes délices ? ..

Mais le temps fuit, le temps que nul ne peut charmer ;
Sous les arbres noueux de la forêt géante,
Vers l’occident, le ciel commence à s’enflammer.

Le couple, aux sons lointains d’une cloche qui chante,
S’éveille doucement de son oubli profond…
La blonde enfant rêveuse, émue et frémissante,

Sur le sein de l’ami laisse tomber son front
Et sourit ; on entend palpiter sa poitrine
Dans le calme du soir que nul bruit n’interrompt.

Et tous deux lentement descendent la colline.
La tendresse à pleins flots déborde de leurs cœurs,
Et dans les prés mûris dont l’herbe au vent s’incline,

Dans la gloire des fruits et la grâce des fleurs,
Les étoiles du ciel et la lune dorée
Qui monte ; dans les sons, les clartés, les odeurs,

Ils bénissent la vie éternelle et sacrée.

V. — VEILLÉE D’AUTOMNE.


Une lampe de nuit, tremblante, éclaire à peine
La chambre des époux et le grand lit de chêne
Où, seul, le vieux mari dort d’un sommeil pesant.
La jeune femme veille, et la lune, en glissant,
Pâle, sous les brouillards légers d’un ciel d’octobre,
Indique vaguement la forme svelte et sobre
De son corps délicat penché sur le balcon.
Pensive et les regards tournés vers l’horizon,