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la volonté, c’est de cette volonté inférieure qu’on ne peut refuser aux animaux, à en juger par les mouvemens de leur vie extérieure. Que cette volonté instinctive, si l’on peut donner ce nom à un tel phénomène de l’activité animale, ne soit réellement qu’une espèce de mouvement réflexe, c’est ce que la psychologie ne pourrait encore accorder aux physiologistes, par la raison que les mouvemens réflexes ne sont jamais qu’une réaction provoquée dans le système nerveux par une impression interne ou externe, tandis que la volonté, de même que l’instinct, a un caractère de spontanéité qui lui est propre, même chez l’animal. Quant au degré de spontanéité de cette espèce de volonté, on peut douter qu’il suffise pour pouvoir la considérer comme vraiment libre. Ce n’est pas le sentiment de la plupart des psychologues, et en particulier de Maine de Biran, qui n’attribue la liberté qu’à la volonté humaine.

On peut certainement admettre le parallélisme entre les deux ordres de faits cérébraux et psychiques qui a tant frappé M. Lhuys sans en conclure autre chose que la parfaite unité de l’être humain, quelle que soit la diversité de ses organes et de ses fonctions. « Je crois, dit l’éloquent professeur anglais Tyndall, défendant contre le reproche de matérialisme les physiologistes qui cherchent les correspondances entre les phénomènes intellectuels et les opérations du cerveau, je crois que tous les grands penseurs qui ont étudié ce sujet sont prêts à admettre l’hypothèse suivante : que tout acte de conscience, que ce soit dans le domaine des sens, de la pensée ou de l’émotion, correspond à un certain état moléculaire défini du cerveau, que ce rapport du physique à la conscience existe invariablement, de telle sorte qu’étant donné l’état du cerveau on pourrait en déduire la pensée ou le sentiment correspondant, ou qu’étant donné la pensée ou le sentiment on pourrait en déduire l’état du cerveau ;… mais je ne crois pas que l’esprit humain, restant constitué tel qu’il est aujourd’hui, puisse aller au-delà. Je ne crois pas que le matérialiste ait le droit de dire que le groupement de ces molécules et les mouvemens expliquent tout[1]. » Voilà le vrai. La physiologie constate seulement des rapports entre les phénomènes organiques et les phénomènes psychiques ; mais elle se trompe quand elle les confond : des coïncidences ne sont pas des identités. Elle se trompe également quand elle tranche la grande et délicate question de savoir si le cerveau est le sujet ou simplement l’organe de la vie psychique : des conditions ne sont pas des causes.

  1. Revue des cours scientifiques, n° 1, 1869.