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de l’incendie resta confinée à peu près dans le cercle des adorateurs mystiques de l’archevêque. Personne ne l’invoqua dans les débats du procès, et les lettres de Chrysostome n’en parlent point ; néanmoins Palladius y fait allusion dans ses dialogues, et un chroniqueur de la fin du siècle la reproduit purement et simplement, comme un fait dont il ne paraît pas douter.

Telles étaient les suppositions sur les causes de l’incendie ; quant à l’heure où il était apparu pour la première fois, les témoignages se divisaient encore plus. Les uns prétendaient que le feu avait éclaté quelques instans seulement après la sortie de l’archevêque, ce qui semblait corroborer les idées de ses accusateurs ; suivant d’autres, on ne l’avait aperçu que beaucoup plus tard, vers le soir ; une troisième version le reculait jusqu’au lendemain matin : suivant elle, des joannites enfermés dans l’église l’auraient allumé avant de sortir, et l’incendie, après avoir couvé toute la nuit, aurait fait irruption au lever du jour. Une circonstance admise à peu près par tout le monde, c’est que la flamme jaillit d’abord du trône de l’archevêque, et que l’embrasement, excité par le vent, prit une force, une extension si grande qu’en moins de trois heures basilique, curie, demeures particulières, tout était consumé.

Sous ces nombreuses préoccupations de l’opinion, l’enquête judiciaire commença. Le magistrat chargé de l’affaire, Studius, préfet de la ville, obéissant aux préventions de la cour, lança un mandat d’arrêt contre les deux évêques Eulysius et Cyriacus et quelques clercs métropolitains qui accompagnaient Chrysostome dans sa marche vers l’exil ; contre Chrysostome, il ne l’osa pas. L’exilé suivait alors, avec son escorte de prétoriens, la grande route qui conduisait de Chalcédoine, où il avait débarqué, à Nicée de Bithynie, qui devait être la première halte de son voyage. Ses compagnons et lui cheminaient tristement, sans se douter que l’église qu’ils venaient de quitter n’était plus maintenant qu’un monceau de décombres et de cendres. Ils se trouvaient déjà fort loin de la côte, lorsqu’ils furent rejoints par l’officier porteur du mandat d’arrêt et un groupe de cavaliers, accourus derrière eux de toute la vitesse de leurs chevaux. À la nouvelle qu’apportaient ces hommes de l’embrasement de Sainte-Sophie, l’archevêque et ses compagnons furent d’abord consternés ; mais leur surprise se changea en indignation lorsqu’ils surent qu’eux-mêmes étaient accusés d’avoir mis le feu, et qu’ordre était donné par le préfet de les conduire dans les prisons de Constantinople, enchaînés comme des criminels, pour y répondre sur cette accusation.

Le mandat d’arrêt, comme on l’a vu, ne concernait point Chrysostome ; mais Chrysostome voulut y être compris. « Je ne me séparerai point de mes frères, disait-il avec animation ; s’ils sont