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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


sipèrent, et il ne lui resta que les joies de l’amitié. Tel fut l’état de cette âme tourmentée et confiante jusqu’à la fin de son exil. Au reste il devait trouver à Gueuse, avec des nouvelles plus sûres et plus circonstanciées touchant les personnes et les événemens une abondance de lettres qui le dédommagerait amplement des privations qu’il avait subies durant son voyage.

Le repos, l’air salubre, le bon accueil des habitans de Césarée, améliorèrent rapidement son état ; les soins d’Hymnetius et de Theodorus achevèrent de le remettre sur pied. « C’étaient, nous dit-il, de très savans médecins, et des cœurs dévoués. » La nouvelle qu’il allait résider à Gueuse ayant pénétré jusqu’en Arménie, un riche seigneur du pays, nommé Dioscorus, qui possédait une maison dans cette ville, s’empressa de la lui offrir et envoya son intendant, au-devant de lui jusqu’à Césarée. Cependant l’affluence des visiteurs ne tarissait pas autour de l’exilé. Les premiers magistrats de la cité semblaient se faire un devoir d’y paraître, et le clergé lui fournissait toute une petite cour où l’évêque seul manquait. Des bruits venus jusqu’à Chrysostome lui firent connaître que l’humeur de ce collègue inhospitalier devenait de plus en plus acre et malveillante à mesure que le séjour de son hôte se prolongeait. Tout lui déplaisait dans la présence du prisonnier, surtout la considération dont les plus hauts personnages l’entouraient et l’empressement de son propre clergé, où le métropolitain ne pouvait s’empêcher de lire une amère critique de sa conduite. Il se mit en tête qu’on pourrait le soupçonner à la cour d’être complice de ces démonstrations, qui retombaient directement sur Augusta, et cette idée le fit frémir ; or la peur rendait Pharetrius féroce, quand elle ne le rendait pas lâche. Il comptait donc avec impatience les jours qui s’écoulaient sans incident nouveau ; son cœur enfin se détendit lorsqu’il apprit que le départ était fixé pour un jour très prochain, et que l’escorte s’occupait des préparatifs. Chrysostome avait achevé sans doute la plus grande partie de son voyage, puisqu’il ne lui restait plus que cent vingt-huit milles, environ cinquante lieues à parcourir pour atteindre Gueuse ; mais ce qui restait était précisément le plus pénible. Le chemin, ouvert dans d’âpres vallées à travers le Taurus, réservait à un voyageur aussi débile des difficultés et des fatigues bien autrement grandes que celles qu’il avait éprouvées jusqu’alors. On disait d’ailleurs le pays qu’il devait traverser infesté en ce moment par des bandes d’Isaures. Cette dernière circonstance, loin d’attendrir le métropolitain de Césarée, semblait ne lui faire souhaiter que plus ardemment un départ immédiat. Enfin tout était prêt, et l’escorte allait se mettre en route, quand retentit la nouvelle qu’un parti d’Isaures avait paru presque en vue de la ville, fourra-