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unions mixtes qui, en dehors du subside destiné aux grèves, se ménagent un capital qu’elles appliquent, comme nos sociétés de secours mutuels, à l’assistance de leurs membres dans des cas déterminés, maladies, infirmités, chômages accidentels, frais de funérailles. Ces unions mixtes sont, on le devine, plus empêchées dans leurs mouvemens, moins sûres de la disponibilité de leurs fonds que les unions tout uniment armées en grève ; aussi n’y a-t-il entre les unes et les autres que des alliances conditionnelles. Il s’est même élevé en Angleterre, comme chaque jour il s’en élève en France, des doutes sur la solvabilité finale de ces unions ou sociétés de secours, surtout de celles qui ont accepté, avec plus de hardiesse que de prudence, la charge de pensions de retraite. Des calculs pour et contre ont été échangés sans que la question soit bien résolue. Peu importe ; ni les unions ni les sociétés de secours mutuels ne sont à discuter ici. Qu’elles reposent sur des données exactes ou non, la meilleure garantie qu’elles offrent est dans l’assentiment qui les entoure et les mettra, quoi qu’il arrive, à l’abri d’échecs financiers. Les auteurs ont pu se tromper, les continuateurs tireront les choses au clair et rendront le service viable. Il y a en tout cas une distinction essentielle à maintenir. L’œuvre des secours mutuels vaut par le bien qu’elle fait, un bien sans mélange ; l’œuvre des grèves, même à la juger favorablement, est un mélange de bien et de mal. Les fonds peuvent être confondus sans que le contraste soit moindre dans les destinations respectives, l’une irréprochable, l’autre susceptible d’abus. C’est principalement sur ce point que le volume de M. le comte de Paris appelle l’examen ; la matière est neuve et a une grande portée ; il est bon d’étudier, les documens en main, l’action qu’exercent sur les intérêts des ouvriers et sur le bon ordre des relations sociales ces débats de clerc à maître, ces mises en demeure constantes, cette guerre de surprises et d’embûches qui sont désormais et pour longtemps inséparables de l’exercice des industries.

Voici une de ces industries, l’une des plus considérables sans contredit et celle que la commission royale a interrogée avec le plus de soin, l’industrie du bâtiment. Elle emploie 900,000 personnes environ, sur lesquelles 90,000 au plus bas mot sont enrégimentées dans des unions qui se sont formées ou à raison de la fonction ou à raison de la résidence, quelquefois par suite d’autres affinités. Ces unions, presque toutes du moins, avant de s’attaquer aux patrons, ont eu une triple entente à établir, d’abord entre les membres de la même union, puis entre les unions où l’analogie des tâches crée des rivalités directes, enfin entre toutes les unions qui consentent à engager leurs finances dans un duel contre les entrepreneurs.