Il était situé trop près d’un voisin puissant pour avoir pu jamais prendre une grande importance au Laos. Le Hollandais Gérard van Vhusthorf, qui remonta une partie du fleuve en 1641, ne signale même pas cette principauté, dont la capitale devait être alors au lieu nommé aujourd’hui Muong-Cao, à peu de distance de la ville actuelle. À cette époque en effet, Bassac n’était qu’une province cambodgienne. Affranchi un siècle plus tard, ce triste royaume n’a pas tardé à perdre de nouveau son indépendance. Il a été absorbé, comme les derniers débris du Cambodge étaient menacés de l’être, par la puissance la plus jeune et la plus vivace de l’Indo-Chine. Lorsqu’on observe la ressemblance frappante qui existe entre la civilisation laotienne et la civilisation siamoise et l’identité presque complète des deux langues, on demeure convaincu qu’une conquête récente n’a pu entraîner un pareil résultat. On est conduit à attribuer aux peuples groupés sur les bords du Ménam et du Mékong une origine commune. Peut-être faut-il aller plus loin et considérer les Birmans fixés dans les vallées de l’Irawady, de la Salwen, et les Cambodgiens établis aux embouchures du Mékong comme deux rameaux détachés d’un tronc unique. Dans leurs migrations, les membres de cette famille primitive auraient quitté l’Inde par les montagnes du nord-est et se seraient dirigés vers le sud en suivant le cours des grands fleuves qui sillonnent l’Indo-Chine. Longtemps errans, ils auraient conservé sur leurs traits des signes visibles de parenté, tout en subissant, comme disent les naturalistes, l’influence du milieu. Les Cambodgiens et les Laotiens parlent des langues dont le mécanisme et le génie, sinon toujours les mots eux-mêmes, se ressemblent absolument. M. Aubaret fait remarquer que la langue cambodgienne s’écrit avec les propres caractères de la langue pâli, tandis que les caractères siamois et birmans en diffèrent un peu, quoique se rapportant au même type. Il ajoute que le bouddhisme pratiqué dans ces trois pays est exactement le même que celui de Ceylan. On peut en dire autant de celui qui fleurit au Laos. On comprend combien la plus ambitieuse des puissances indo-chinoises avait de chances pour s’assimiler définitivement toutes ces populations, à la seule condition d’être la plus forte. Elle trouvait la plupart de ses lois et de ses usages en vigueur chez les vaincus.
La religion, qui a imprimé sur l’architecture de ces pays un cachet uniforme, s’est emparée également de toutes les manifestations de la vie. Les fêtes ont lieu aux mêmes époques dans toutes les contrées riveraines du Mékong, et présentent le même caractère mi-parti religieux et profane. Pendant notre séjour à Bassac, nous vîmes un matin les bonzes affluer sur la place du village et se diriger vers le palais du roi. Tous les ans, à pareil jour, distribution