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L'OEUVRE DE L'EXIL

1852 - 1869
L’Homme qui rit, par M. Victor Hugo,
4 vol. Librairie Internationale, Paris 1869.

« Exil, tu n’es pas un mal ! » telle est la protestation stoïque, moins convaincante que douloureuse, de bien des philosophes, de plus d’un homme d’état des siècles passés contre la fatalité qui les enchaîna sur la terre étrangère. La Consolation adressée par Sénèque du fond de l’île de Corse à Helvia, sa mère, n’est que le développement de cette pensée. Bolingbroke, chassé par les vicissitudes politiques de cette patrie qui est aujourd’hui l’exil de M. Victor Hugo, ramasse dans un traité toutes les pensées qui peuvent fortifier son âme contre la même douleur. Ces pages, il les écrit précisément dans l’asile hospitalier de la France, d’où le grand poète a été banni par la proscription d’abord, puis par sa propre volonté. Tous les écrits de M. Victor Hugo depuis dix-sept ans, soit qu’ils parlent de son éloignement, ce qui est rare dans un esprit si fièrement trempé, soit qu’ils gardent sur ce point un silence absolu qui est la preuve de sa forte volonté, tous sans exception, à leur manière, dans les pages sérieuses comme dans les jeux de l’imagination, semblent lancer à l’exil un éternel défi. On dirait que la même parole se fait entendre dans les pages datées des séjours successifs de l’écrivain, — de la ville aux pignons flamands et du beffroi de Bruxelles, qu’il paraissait mettre en mouvement pour ébranler l’Europe, de la maison mélancolique de Marine-Terrace dans Jersey, où