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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/146

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Le gouvernement provisoire, d’après la loi, aurait-pu garder le pouvoir pendant tout un mois ; il résolut d’abréger le plus possible ce délai. Une skoupchtina, composée de députés en nombre quadruple de celui qui est fixé pour les diètes ordinaires, fut convoquée pour le 2 juillet. Dans l’intervalle, il fallait s’entendre sur les noms à proposer pour la régence, qui devait être composée de trois Serbes élus par l’assemblée nationale. M. Blasnavatz, par l’initiative qu’il avait prise dans le premier moment de trouble, était le maître de la situation. On lui laissa le choix des deux collègues qu’il désirait. C’était le moyen d’obtenir l’unité d’action. Avec un louable patriotisme, les hommes qui avaient dirigé pendant trente ans la politique extérieure du pays et le plus contribué à fonder son indépendance, MM. Garachanine et Marinovitch, s’effacèrent volontairement. M. Blasnavatz tenait à s’associer M. Ristitch. Celui-ci, négociateur heureux de l’évacuation des forteresses, était à ce titre agréable au pays et connu de la diplomatie européenne ; on lui savait aussi des relations avec ce que l’on appelle l’omladina ou « la jeunesse » serbe. L’omladina est une sorte d’association qui tient tous les ans un congrès chez l’un ou chez l’autre des peuples qui forment le groupe des Slaves méridionaux ; dans ces réunions, on parle de liberté et de conquêtes, on surexcite le sentiment national, on adresse à l’opinion publique des appels que pendant tout le reste de l’année on renouvelle dans les journaux de Neusatz et d’Agram. M. Christitch avait été en lutte ouverte avec ce parti ; il avait dissous le congrès qui avait voulu se réunir à Belgrade en 1867. Sans doute l’omladina compte dans ses rangs bien des bavards, bien des déclamateurs, elle n’a ni de vrais hommes d’état, ni un programme bien défini et bien pratique ; mais il y avait pourtant là une influence avec laquelle il était bon de compter, tout un groupe bruyant et passionné qui accueillerait avec faveur le nom de M. Ristitch, augure et gage de réformes libérales. M. Garachanine, à son âge et avec son passé, n’aurait pu entrer dans la régence que pour en être le chef ; or les circonstances avaient, depuis la mort du prince, donné à M. Blasnavatz le premier rôle. MM. Blasnavatz et Ristitch étaient d’ailleurs brouillés avec l’ancien premier ministre. Quant à M. Marinovitch, à qui on avait fait quelques ouvertures, il ne voulait pas rentrer aux affaires sans M. Garachanine. MM. Blastavatz et Ristitch conclurent donc entre eux un pacte intime, et résolurent de proposer pour la troisième place un honnête homme fort estimé, plus connu d’ailleurs comme écrivain et comme savant que comme politique, M. Gavrilovitch.

C’est à peu de chose près le suffrage universel qui nomme les députés serbes. Est électeur tout Serbe âgé de vingt et un ans qui n’est pas domestique et paie l’impôt direct. Est éligible tout Serbe âgé de