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exclusivement le service de sûreté, ou simplement la sûreté. Ce service, qui est la vraie sauvegarde, de Paris, est d’institution relativement récente, mais depuis sa création il a subi des modifications morales importantes. Autrefois le soin de s’emparer des criminels appartenait à la gendarmerie, à la troupe, à des agens de police dont les fonctions mal définies étaient utilisées au hasard des circonstances. Ce système était déplorable et laissait circuler publiquement bien des malfaiteurs impunis. Ce fut Vidocq qui le premier, en 1817, sous la préfecture de M. d’Angles, organisa la brigade de sûreté ; mais on obéit alors et pendant longtemps à cette idée fausse, que, pour bien connaître les criminels, il était nécessaire de l’avoir été soi-même. Malgré sa jactance, son insupportable vanité et ses antécédens désastreux, Vidocq obtint des résultats considérables, et mit entre les mains de la justice bien des bandits qu’on cherchait en vain depuis de longues années. Ce qui souffrait le plus de cet état de choses, c’était l’action même de la justice. Vidocq était un galérien gracié, il faisait sa police à l’aide de forçats tolérés en liberté ; quand ses agens déposaient en cour d’assises, les accusés les interpellaient et leur rappelaient qu’ils avaient fauché au pré ensemble ou buté un homme dans telle occasion. Les témoins ne valant pas mieux que les malfaiteurs, le jury hésitait, et les avocats avaient beau jeu. Vidocq n’était même pas installé à la préfecture de police ; il avait établi son repaire, c’en était un, dans la petite rue Sainte-Anne, à laquelle a succédé la rue Boileau, Ouverte comme aujourd’hui sur le quai des Orfèvres, elle aboutissait alors par un passage vitré dans la cour de la Sainte-Chapelle. A Vidocq, remercié en 1827, succéda Coco-Lacour, un chevalier grimpant (voleur au bonjour), qui s’était fait une certaine célébrité par sa hardiesse. Les mêmes erremens continuèrent, et des voleurs éhontés furent chargés de surveiller leurs acolytes. Les mauvais côtés, l’immoralité révoltante d’un pareil système, frappèrent M. Gisquet, et ce fut lui qui, rompant avec une tradition absurde, prononça la dissolution de la fameuse brigade par arrêté du 15 novembre 1832, et la reconstitua immédiatement sur d’autres bases, spécifiant que nul individu ayant subi une condamnation, si faible qu’elle fût, ne pourrait en faire partie. De là un grand émoi chez les agens, qui, ne sachant trop que devenir, se refirent probablement voleurs de plus belle. L’impulsion donnée a été suivie, l’idée première a pris un corps, et aujourd’hui les inspecteurs du service de sûreté ne sont pas seulement pris parmi des individus purs de toute condamnation, ils sont choisis avec un soin extrême, après enquête sérieuse, parmi les sous-officiers qui, sortant de l’armée, demandent à entrer dans la police. Partant d’un principe diamétralement