Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

infructueuses. En 1832, on employa une méthode plus expéditive, et l’on confectionna les premiers bulletins ; avant de déposer les registres aux archives de la préfecture, on copia sur fiches et on rangea aux lettres d’ordre toutes les notices inscrites, de telle sorte qu’aujourd’hui on possède le relevé exact de chacune des condamnations prononcées en France et aux possessions françaises d’outre-mer depuis soixante-dix-sept ans. C’est là, mieux que partout ailleurs, qu’on découvre combien certaines âmes perverses sont réfractaires à tout repentir. Joseph Guyot, du 22 décembre 1854 au 14 novembre 1868, subit 24 condamnations ; Antonin Crozat, de 1833 à 1868, est frappé 71 fois ; Jean Hébrar, depuis le 4 décembre 1818, a été condamné à 27 ans et 5 mois de prison, à 25 ans de réclusion, et successivement à 235 ans de travaux forcés ; total 287 années ; il a été transporté à Cayenne et s’est évadé.

Les documens sont nombreux sur lesquels on recueille les renseignemens indispensables à la rédaction de ces bulletins indicatifs, et le bureau des sommiers judiciaires reçoit annuellement 4,933 états, qui lui sont expédiés par les tribunaux, les directeurs de prisons et de bagnes[1]. Quant aux recherches demandées sur des individus signalés, elles viennent de tous les points de l’empire, de tous les tribunaux, de toutes les cours, de beaucoup d’administrations publiques, qui ont le devoir de s’éclairer sur leur personnel, de tous les services de la préfecture même, qui n’accordent jamais d’autorisation aux marchands de vin, aux cochers, aux commissionnaires, aux meneurs de nourrices, aux logeurs, aux porteurs des halles et marchés, aux sages-femmes, sans savoir à quoi s’en tenir sur leur moralité. Cette organisation est excellente, et lorsqu’on l’a étudiée, qu’on l’a vue fonctionner, on comprend qu’un magistrat éminent, M. Berriat Saint-Prix, ait dit : « Il n’y a pas de procédure criminelle complète, si elle ne s’appuie sur les sommiers judiciaires. » Dans les signalemens que porte chaque bulletin, on donne un soin minutieux à la description des tatouages, qui sont un indice trop précieux, un moyen de reconnaissance trop certain pour qu’il n’en soit point parlé ici. On dirait que

  1. États quotidiens des prisons de la Seine (7 prisons), 2,555 états ; cahiers mensuels des notices des détenus des maisons centrales (au nombre de 29), 348. — États trimestriels des condamnations correctionnelles ou criminelles (282 tribunaux, 29 cours), 1,644 ; — états mensuels des faillis du département de la Seine, 12 ; — rôles bi-mensuels de la cour d’assises de la Seine, 24 ; — rôles trimestriels des forçats libérables, 4 ; — états signalétiques des individus recherchés, 10 ; — états signalétiques des étrangers expulsés de France administrativement, 12 ; — feuilles quotidiennes des audiences du tribunal correctionnel de la Seine, 300. — A cela il faut ajouter les notes individuelles relatives aux grâces ou commutations de peine, les notices concernant les individus condamnés par les tribunaux militaires ou maritimes.