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semaines se passent ; on s’inquiète, on prévient le commissaire de police, qui, faisant ouvrir les portes et visitant l’appartement, constate sur le parquet des taches de sang et trouve un merlin ensanglanté. Un crime avait été commis, et il était fort probable que le domestique en était l’auteur ; mais quel était ce domestique ? On ne connaissait même pas son nom, il n’était au service de la victime que depuis peu, nul n’avait pensé à s’enquérir de son origine, et les renseignemens fournis sur son signalement concordaient mal entre eux. On savait seulement qu’il avait fait déplacer une lourde malle par un commissionnaire. Tel était le seul point de départ pour arriver à découvrir la vérité. Immédiatement on se mit en quête du commissionnaire. On le retrouve, ses souvenirs sont confus ; cependant il croit se rappeler que sur la malle il a lu le nom de Châteauroux et qu’il y avait sur l’escalier de la maison deux autres caisses. On dirige immédiatement des recherches dans la ville indiquée. M. Poirier-Desfontaines y est inconnu ; mais une malle adressée bureau restant à un sieur Moreau, bijoutier, est encore en gare, car il n’existe pas à Châteauroux de bijoutier de ce nom. La malle est ouverte, l’on y trouve le cadavre de M. Poirier-Desfontaines coupé en morceaux et du linge démarqué. On fait une enquête au chemin de fer d’Orléans, elle reste sans résultats. Se rappelant que deux autres caisses avaient été vues dans la maison de la victime et pensant que peut-être elles avaient été transportées à quelque gare, on interroge tous les commissionnaires médaillés, et à force de préciser les questions, on en découvre deux qui se souviennent avoir, le 6 janvier, porté deux colis de la rue Saint-Honoré, n° 422, aux messageries de la rue Croix-des-Petits-Champs, n° 10 ; il leur semble que le jeune homme qui accompagnait son bagage a parlé de Marseille. On vérifie aussitôt le livre de police des messageries, et l’on y voit qu’un nommé Viou a retenu en effet une place pour cette ville ; mais il a perdu ses arrhes, a retiré ses effets et n’est point parti. Viou était-il un pseudonyme ou un vrai nom ? On interroge les sommiers judiciaires, et on y acquiert la certitude qu’un condamné de ce nom est en détention à la maison centrale de Melun. On le questionne, et l’on apprend qu’il est le père du domestique assassin. Une recherche analogue est faite sans désemparer dans les bulletins des garnis ; le nom de Viou y est inscrit. On se transporte à l’hôtel désigné, rue du Pont-Louis-Philippe, le meurtrier doit venir y coucher le soir ; on établit une surveillance, et on s’empare de lui au moment où il rentrait. Les commissionnaires médaillés, les registres des messageries, les sommiers judiciaires, les bulletins des garnis, en aidant à reconstruire l’individualité, ont mis sur les traces du criminel, et l’ont, pour ainsi