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sévère pour lui, car il pouvait chaque jour y voir sa femme et son enfant. On libella au plus vite une demande en grâce qu’on lui fit signer, et qu’on adressa au garde des sceaux avec pièces à l’appui. La remise entière de la peine à courir fut accordée sans délai, et le vieux forçat converti au bien est aujourd’hui en liberté à l’abri du besoin, grâce à des âmes charitables qui en ont eu pitié. C’est là une des mille espèces que la préfecture doit résoudre, et dans lesquelles l’intelligence, l’élévation de sentimens d’un simple chef de bureau font plus que toutes les prescriptions de nos codes.

La loi du 3 décembre 1849, à laquelle j’ai déjà fait allusion, autorise l’expulsion par voie d’arrêté ministériel de tout individu étranger dont la présence sur notre territoire est une cause de trouble. Cette loi a été votée sous l’empire de préoccupations politiques dont on se souvient encore, mais elle a été interprétée dans un sens beaucoup plus large, et elle sert à nous débarrasser de pick-pockets, de filous, d’escrocs, de grecs, qui viennent chez nous quand leurs méfaits les ont si bien signalés dans leur pays qu’ils ne peuvent plus éviter la prison. Lorsqu’un étranger a subi devant l’une de nos cours d’assises ou l’une de nos chambres correctionnelles une condamnation pour crime ou délit, lorsque sa conduite est notoirement mauvaise et exige l’intervention de la police, il est administrativement mis en wagon et simplement reconduit à la frontière comme un colis de qualité défectueuse qu’on retourne à un expéditeur. Une autre loi, celle du 9 juillet 1852, permet d’interdire le séjour de Paris à tout individu qui, né dans les départemens, a subi certaines condamnations ou vit dans le vagabondage et la mendicité. Cette loi est peu appliquée ; mais ceux qu’elle frappe ne s’en vont que bien rarement sans avoir obtenu de la préfecture une paire de souliers et les frais de route, singulièrement minimes, surtout aujourd’hui, spécifiés par l’article 7 de la loi des 3 mai et 10 juin 1790[1]. C’est aussi la préfecture qui désigne la ville où doivent se retirer et séjourner les individus soumis à la surveillance ; mais son choix, sauf des cas extrêmement rares, est toujours déterminé par celui du condamné. Elle est libre, sous sa responsabilité, de permettre à certains repris de justice de rester à Paris, lorsqu’elle a la certitude qu’ici plus aisément qu’ailleurs ils trouveront du travail et des moyens d’existence. Seulement l’autorisation n’est jamais que temporaire, elle doit être fréquemment renouvelée, et peut être retirée à la moindre plainte portée contre celui qui l’a obtenue.

Ainsi qu’on l’a vu, les rapports de la préfecture de police avec les

  1. « Il est accordé 3 sous par lieue à tout individu porteur d’un passeport d’indigent. »