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reconnaît surtout quatre élémens, l’oxygène, l’hydrogène, le carbone et l’azote. Berzélius fit rentrer ces corps complexes dans la théorie de Lavoisier ; suivant lui, les atomes d’hydrogène, de carbone, d’azote, étaient groupés de façon à former des radicaux soit binaires, soit tertiaires, et ces radicaux se combinaient avec l’oxygène pour former les substances organiques ; ces substances étaient en somme des oxydes à radical composé. C’est ainsi par exemple qu’il considérait l’éther. Ce corps était très anciennement connu comme le produit de la réaction de l’acide sulfurique sur l’alcool, et il avait acquis récemment une importance toute spéciale, parce qu’il était devenu le type d’une série entière, de composés analogues. Pour Berzélius, l’éther était formé d’un radical, l’éthyle, uni à un atome d’oxygène. Cet éthyle pouvait s’unir au chlore et à d’autres corps simples pour former des chlorures et d’autres combinaisons binaires. Le chlorure d’éthyle n’était autre que l’éther chlorhydrique. L’éther ordinaire, ou oxyde d’éthyle, pouvait s’unir à l’eau comme les oxydes métalliques et former un hydrure, qui était l’alcool ; il pouvait également s’unir aux acides anhydres et former de véritables sels, qui étaient les éthers composés. Toutes ces combinaisons se rangeaient donc sous la loi du dualisme grâce aux radicaux composés. On objectait bien que ces radicaux étaient des êtres de raison, des corps hypothétiques que personne n’avait jamais vus. « Patience, disait Berzélius, on finira par les isoler. » Pour le chimiste suédois d’ailleurs, il était bien entendu que ces radicaux organiques étaient complètement dépourvus d’oxygène ; c’était là l’esprit même du système ; le radical d’un côté, l’oxygène de l’autre, formaient les deux termes des composés simples, dont l’union binaire donnait ensuite des combinaisons plus complexes. La théorie des radicaux non oxygénés établissait donc le système dualistique dans la chimie organique ; ce système régnait sans partage vers l’année 1830. Non-seulement il était en possession de l’enseignement public dans toute l’Europe, mais il était seul développé dans les livres, et il ne soulevait pour ainsi dire aucune contradiction.

Ici se placent les origines des doctrines nouvelles qui devaient prétendre à renouveler la chimie. Le premier adversaire que rencontra la théorie dualistique fut un jeune chimiste, né à Alais en 1800, et qui s’était d’abord fait connaître par d’heureux essais en physiologie. « M. Dumas, dit M. Wurtz, avait à peine vingt ans lorsqu’il publia avec Bénédict Prévost ces expériences sur le sang qui sont encore classiques aujourd’hui. Arrivé à Paris en 1821, il se voua entièrement à la chimie, et fut bientôt en position d’entreprendre et de publier les travaux les plus importans. Développement indépendant de la chimie organique et réforme de la chimie