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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/334

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le suive sans aucun changement dans toutes les combinaisons ? C’est bien ainsi que nous avons présenté la question ; mais il faut en rabattre quelque chose. Des faits usuels nous montrent que tel élément, qui est monatomique dans certaines combinaisons, apparaît comme triatomique quand il est en face d’élémens différens. Il y a plus. N’avons-nous pas présente à l’esprit une loi tout à fait élémentaire, celle des proportions multiples ? Un élément, mis en regard d’un seul et même autre élément, en prend, suivant les cas, des nombres d’atomes différens. Le carbone, mis en présence de l’oxygène, forme avec lui soit l’oxyde de carbone CO, soit l’acide carbonique CO2 ; il faudrait donc dire, pour être rigoureux, qu’il a dans ces deux cas des atomicités différentes. Aussi les auteurs du Dictionnaire de chimie pure et appliquée n’hésitent-ils point à écrire : « La détermination absolue de l’atomicité présenterait, selon nous, les difficultés les plus sérieuses. Et d’abord quel est l’élément auquel il conviendrait de la rapporter ? Est-ce l’hydrogène ? est-ce le chlore ? Cela n’est point indifférent, puisqu’un élément donné peut ne pas manifester la même atomicité à l’égard du chlore et à l’égard de l’hydrogène. » Et ils ajoutent en conséquence : « Nous pensons que la chose importante est de fixer non pas l’atomicité que chaque élément possède d’une manière absolue, mais celle qu’il manifeste dans une combinaison donnée… Au lieu donc d’envisager l’atomicité dans son essence, qui nous échappe, nous la considérons dans ses manifestations, qui sont variables. » Voilà un langage des plus prudens ; voilà des réserves que nous ne pouvions véritablement laisser dans l’ombre. Ne serait-on pas tenté de croire qu’ici les rédacteurs du Dictionnaire ébranlent eux-mêmes l’édifice qu’ils ont construit ? Qu’est-ce que cette atomicité qui est non plus absolue, mais seulement relative, non plus constante, mais variable ? N’est-ce pas se réduire à une doctrine bien modeste après avoir annoncé des visées bien ambitieuses ? Nous ne pensons pas qu’il faille attacher un sens si restrictif aux passages que nous venons de citer. Ce qui est certain seulement, c’est que dans un traité complet et détaillé la théorie de l’atomicité ne peut pas conserver les contours nets, les formes décisives qu’on doit lui donner dans une rapide exposition ; mais l’idée-mère de la doctrine n’en subsiste pas moins, et elle a reçu d’assez brillantes confirmations pour que le triomphe en semble assuré. Elle a prouvé sa fécondité par un grand nombre de travaux importans, et c’est tout ce que l’on peut demander à une théorie scientifique. Personne en effet ne prétend, en s’attachant à une théorie de ce genre, tenir la vérité même et surtout la vérité tout entière. On sait bien qu’elle n’est qu’un instrument de travail, une méthode de recherche. A ce