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résument en eux les plus hautes magnificences de l’art au XVIe siècle, Michel-Ange et Raphaël, transplantèrent à Rome l’école de Florence. Bon nombre de leurs œuvres, les plus belles peut-être, sont restées dans la ville éternelle. Elles n’ont pas moins été exécutées par des gens qui étaient nés ou s’étaient formés en Toscane. Le seul artiste de Rome, Jules Romain, se vit exilé de sa patrie. Sans doute, tant que vécurent Michel-Ange et Raphaël, la ville éternelle fut comme un foyer rayonnant. Eux morts, il ne resta rien ; ils n’eurent pas de successeurs, sinon quelques-uns de leurs disciples immédiats qui s’éteignirent bientôt eux-mêmes ; il fallut pour repeupler d’artistes de valeur la cité des papes que des étrangers y vinssent à leur tour, soit de France, comme Poussin, soit d’Allemagne, comme Raphaël Mengs, Angelica Kaufman, Overbeck et ses compagnons. Ce n’est donc pas pour ses peintres qu’a été choisie cette résidence de Rome, c’est plutôt en raison des souvenirs de l’antiquité qu’on y retrouve à chaque pas, pour ces ruines et ces débris qui ont échappé à tant de dévastations. On a pensé que rien n’était plus propre à développer le sentiment du beau que le spectacle de ces chefs-d’œuvre accumulés ; on s’est souvenu que c’est la vue des ouvrages anciens retrouvés qui suscita en Italie cette étonnante période de grandes choses et de grands hommes qu’on appelle la renaissance.

L’Académie de France à Rome date déjà de deux siècles. Elle fut établie en 1665 sur la proposition de Colbert. L’académie des douze anciens, germe de notre académie de peinture, s’était installée à Paris sept ans plus tôt, en 1648, au milieu des troubles de la fronde. S’il se préoccupait de fournir aux artistes français les moyens d’étudier les grands modèles offerts par l’Italie, Colbert ne songeait guère à mettre à leur disposition les richesses que possédait la France. Il réunit, il est vrai, un assez grand nombre de bonnes toiles, dispersées jusque-là dans les maisons royales, dans les églises et les possessions du clergé, et en forma le « cabinet du roi, » qu’il accrut constamment et qui devint un musée ; mais ce musée n’était point ouvert au public. Il fut transporté plus tard du Louvre à Versailles. Sous Louis XV, on demanda que ces tableaux fussent ramenés à Paris, afin que les « curieux et les étrangers pussent les voir librement. » Ce n’est qu’en 1750 que ces réclamations furent écoutées. Cent-dix tableaux furent exposés au Luxembourg à l’admiration des « amateurs et des artistes. » Encore Louis XVI eut-il la malheureuse idée de les replacer à Versailles en 1785. La visite au pays d’outre-monts n’était donc pas sous Louis XIV un luxe tout à fait inutile. Lebrun, qui dirigeait l’Académie de peinture, eût été envoyé pour diriger l’école de Rome, s’il n’eût été forcé de résider à Paris. Charles Errard le remplaça, et partit en 1666 avec douze pensionnaires. Pendant quelque temps,