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collections, nous serions obligés de reconnaître qu’il l’a emporté sur nous. Nous avons heureusement quelques autres points par lesquels nous faisons pencher la balance de notre côté. Les académies d’art sont nombreuses en Belgique. Le gouvernement donne des subventions à celles de Bruxelles, de Bruges, de Gand, de Liège, de Louvain. D’autres villes, Malines, Namur, Ypres, ont aussi des académies de beaux-arts. La plupart relèvent un peu de l’état, un peu de la province ; elles sont surtout sous la dépendance de la commune, comme les autres établissemens d’instruction. Nous nous occuperons surtout ici de la plus importante, celle d’Anvers. Une tradition respectable a fait d’Anvers le centre accepté des institutions d’art en Belgique. L’éclat qu’ont jeté sur la ville quelques peintres qui y ont résidé presque toute leur vie, l’ancienneté même de l’école, suffisent à faire comprendre cette faveur ; le nombre des cours professés avec distinction et l’élévation des études, l’expliquent encore mieux. Philippe IV d’Espagne donnait le 6 juillet 1663 à David Téniers et à quelques autres, car les peintres ne manquaient pas dans la ville, l’autorisation de former une académie sur le patron de celles de Rome et de Paris, afin de cultiver et maintenir les sciences de peinture, statuaire, perspective, et aussi d’imprimer des livres ayant pour objet leurs travaux ordinaires. Les peintres étaient déjà constitués en société sous le nom de guilde, c’était la guilde de Saint-Luc. Philippe IV octroyait aux fondateurs le droit d’affranchir par provision huit personnes des charges ordinaires de la bourgeoisie. Ces bourgeois exemptés devaient par compensation subvenir aux frais et dépenses de l’académie. La générosité du souverain n’alla point jusqu’à fournir de lieu de réunion et d’enseignement à ses protégés ; la ville y pourvut. Elle leur permit de s’établir dans le premier étage de l’ancienne bourse, et voilà l’académie d’Anvers installée. Elle vient de célébrer récemment son deux centième anniversaire. On inaugura l’étude par le modèle vivant ; l’antique venait après. L’interprétation restait l’humble servante de la réalité, symbole vrai de cette école presque toujours et avant tout éprise de la nature. Quelque temps, les élèves ne firent pas défaut ; mais les dépenses étaient trop lourdes, et pendant une quarantaine d’années les ateliers restèrent fermés. A la fin, des particuliers, touchés de ce dénûment, se cotisèrent, les artistes s’engagèrent à enseigner gratuitement. L’ancienne académie royale devint un établissement communal, et n’y perdit guère. La protection directe du bourgmestre était plus efficace que l’appui d’une main éloignée. Sous le premier empire, le préfet du département des Deux-Nèthes, partageant les fonctions de protecteur avec le magistrat municipal, fit installer l’académie et le musée, qui se trouvaient à l’étroit, dans un ancien couvent de récollets.