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soit digne des regards du Toscan en dehors du royaume italien ? Pourquoi rayer ainsi d’un trait de plume la Grèce, mère de l’Italie, et même notre pays, où certaines régions sont comme un musée de l’art gothique et de celui de la renaissance ?

Si l’Espagne occupe encore un bon rang dans l’art contemporain, on ne peut pas dire qu’elle le doive à ses écoles, qui ont été si longtemps négligées. Le génie particulier de sa race, fortement douée pour la peinture, une tradition qui n’a jamais été tout à fait oubliée, le souvenir de son ancienne gloire, dont elle a gardé le culte, les beaux et nombreux modèles dispersés jusqu’à ce jour par toute la Péninsule dans les couvens et dans les églises, aujourd’hui réunis dans les musées des principales villes, ont contribué à ce résultat. A l’exception du temps de l’occupation des Arabes, l’architecture n’a jamais été florissante en Espagne ; du moins n’y a-t-elle pas eu une époque de splendeur comme dans d’autres pays. La sculpture n’a produit qu’un petit nombre d’œuvres remarquables ; mais en ce royaume ruiné par ses gouvernemens et par ses conquêtes, un des plus pauvres des grands états, la peinture a toujours été en honneur. Que les déchiremens civils lui laissent quelque trêve, et nous ne serions pas étonné d’y voir une renaissance de cette peinture âpre et fière, amoureuse de la nature plus que de l’idéal, dont les artistes espagnols, en dépit d’une décadence prolongée, n’ont pas complètement perdu les secrets.

Madrid a son académie des beaux-arts, qui fut fondée par Philippe V, alors que l’Espagne n’avait plus de maîtres éclatans. Le ministre des affaires étrangères en est président, nous ne savons pour quelle raison. Une commission de ses membres avait été, lors de la sécularisation des couvens, envoyée dans les provinces pour rassembler tous les objets dignes d’être proposés à l’étude. Elle ne trouva pas autant à emporter qu’on aurait pu l’espérer ; les possesseurs étaient prévenus, et la moisson était à peu près faite. On a mieux réussi pour les palais royaux. Aranjuez, Saint-Ildefonse, le Pardo, la Zarzuela, la Quinta, l’Escurial, ont donné au musée de Madrid toutes les richesses accumulées dans ces demeures par les souverains des maisons royales d’Autriche et de France, et qui font de Madrid, une des dernières-nées des grandes villes de l’Espagne, le véritable foyer des études pour l’art espagnol. Toutefois le voyage en Italie n’est pas regardé comme inutile, et les élèves les plus distingués y sont envoyés. Les grandes villes d’Espagne se piquent de ne pas faire moins que Madrid. Barcelone, la cité lettrée, Cadix, Tolède, se préoccupent de peinture, de sculpture et même d’architecture. On peut en dire autant de Séville, dont l’académie des nobles arts a été organisée par Murillo, auquel on a érigé une des rares statues qui soient en Espagne. Les documens authentiques