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qui ont gardé le titre viager d’élèves de l’école peuvent le perdre aussi. Il suffit pour cela d’avoir commis quelque acte réputé indigne de la profession d’art. Ce titre, qui donne droit d’entrée aux collections de l’école, ne peut plus alors être recouvré. L’académie organise à ses risques et périls des expositions de peinture, de sculpture, d’architecture, qui sont fort suivies, et dont la centième a été ouverte en 1868. On construit en ce moment à Londres, dans Piccadilly, des bâtimens spéciaux pour cet usage. Ces exhibitions, sources de revenus, ne sont pas les seules que Londres présente, la société des peintres aquarellistes, la société des jeunes aquarellistes, — on sait quelle est la faveur dont jouit l’aquarelle en Angleterre, — ont aussi les leurs, et trouvent moyen, tout en attirant l’attention sur leurs travaux, de faire une opération fructueuse.

Les élèves qui ont fait concevoir les meilleures espérances ne vont guère à Rome. Les Anglais ont si peu de goût pour ce qui est papiste ! Iraient-ils demander à la ville qui se dit éternelle ce que Florence peut leur donner ? La plupart de ceux qui voyagent reviennent d’ailleurs tels qu’ils sont partis : ils savent plus, ils ont vu davantage ; mais ils ont peu changé leur manière. L’art étranger n’a guère de prise sur le Saxon. S’il est certain que tous les artistes anglais sont loin d’avoir étudié dans leurs académies, si bon nombre d’entre eux sont venus chercher le savoir dans les ateliers de Paris ou de Belgique, ils ne songent guère néanmoins, de retour chez eux, aux grandes études ni aux belles compositions. Ils s’entendent avec un marchand, et produisent couramment la peinture que réclament les acheteurs. Ils reprennent, s’ils l’ont un instant abandonnée pour une coloration plus naturelle et une facture plus large, leur touche maigre et leur gamme de tons blanchâtres. Ils se complaisent aux effets de lumière dure et intense, comme les Russes du nord. Ils ont en bien et en mal certains préjugés esthétiques malaisés à déraciner. Ils détestent de toutes leurs forces la sauvage peinture des Espagnols, et s’éprennent d’une ardente passion pour deux Français d’Italie, Poussin et le Lorrain. Ils se livrent à la peinture d’animaux, qu’ils exécutent avec une grande sincérité, à celle de genre et au paysage ; ils excellent à figurer des moissons dont on peut compter les épis. Quand ils abordent l’histoire, ils sont plus que médiocres. Les peintres qui ont laissé les plus belles œuvres en Angleterre n’étaient pas du pays. Aussi peut-on à peine dire qu’il y ait un art anglais. Pour l’architecture, on en est resté par-delà le détroit à l’art ogival de Normandie. La sculpture n’a donné que peu de statues hors ligne, quelques-unes de celles qu’on voit sur les places publiques appellent involontairement le sourire. Est-ce le fait de l’austérité du culte, qui s’accommode difficilement de la statuaire ? Est-ce une lacune du génie