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de ministres sont fréquens et prolongés. On raconte que d’aigres dissentimens ont éclaté parmi les conseillers de la couronne, les uns attribuant le mal à la quasi-liberté concédée par le décret du 24 novembre et regrettant les anciennes rigueurs, les autres insistant sur l’impossibilité de remonter le courant, et demandant au contraire l’adoption d’un système plus libéral encore ; enfin le public cesse de croire aux mesures extrêmes, et l’apaisement se fait peu à peu. Le monde officiel parvient à se démontrer à lui-même qu’une trentaine de voix discordantes ne sont rien dans une assemblée de 272 membres, que l’opposition, n’ayant plus la même homogénéité, ne gagnera pas une force proportionnée au nombre de ses membres, que quelques concessions habilement ménagées peuvent désarmer l’opinion sans affaiblir les ressorts essentiels du système.

L’empereur fit connaître sa pensée le 22 juin, et, suivant son habitude, il dérouta toutes les conjectures. Les changemens portèrent à la fois sur les hommes et sur les choses. L’institution des ministres sans portefeuille fut transformée, sinon supprimée complètement. Les orateurs officiels étrangers aux affaires qu’ils devaient expliquer ou défendre n’étaient à l’égard des ministres actifs que ce que sont les avocats plaidant sur les notes des avoués. À ce mécanisme fut substituée l’action directe du ministre d’état et du président du conseil d’état. Le premier centralisant les travaux de tous les ministères, le second résumant les projets et les actes administratifs que le conseil d’état a mission d’élaborer, ils devaient avoir la connaissance personnelle et directe des affaires à traiter devant la chambre. C’était le moyen, disait la note du Moniteur, d’organiser plus solidement la représentation de la pensée gouvernementale sans altérer l’esprit de la constitution. M. Billault, nommé ministre d’état, et M. Rouher, appelé à la présidence du conseil d’état, devinrent les deux seuls personnages parlans du ministère ; à ce titre, ils acquirent une importance exceptionnelle dans le gouvernement. M. de Persigny, en qui la résistance était personnifiée, fut éloigné du cabinet. On promit d’élargir les bases de l’enseignement primaire, de multiplier les cours d’adultes. On releva dans les collèges le niveau des études philosophiques, on créa l’enseignement professionnel. Dans l’ordre économique, on abolit plusieurs monopoles, notamment ceux de la boulangerie et de la boucherie ; comme aliment aux imaginations, on annonça les féeries de la grande exposition industrielle.

Ces réformes étaient bonnes par l’intention, et plusieurs ont donné des fruits ; mais était-ce là ce que demandait le suffrage universel ? Non. L’éducation libérale du pays était trop avancée déjà pour qu’il se laissât captiver par des améliorations de détail. Il