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également conclure que ce sont les Siamois qui sortent du Laos ? Quelques savans l’ont pensé. Il est peu probable dans tous les cas que l’action d’une famille royale, si puissante qu’on veuille bien la supposer, ait jamais produit le résultat que Marini lui attribue. Quoi qu’il en soit, cette jeune dynastie, qui devint bientôt despotique au dedans, affranchit au moins le royaume de Laos de toute vassalité étrangère. Elle sut imposer aux Chinois le respect de son territoire, et prêta même en mainte circonstance un concours efficace aux adversaires de ceux-ci. Pendant la guerre que fit aux Tonkinois l’empereur Tching-tsou-wen-ti au commencement du XVe siècle, les Laotiens donnaient ouvertement asile aux vaincus. À peine le général chinois avait-il battu et dispersé l’armée ennemie, que d’autres rebelles soutenus par le prince de Laos tenaient de nouveau la campagne[1]. Tching-ki-kouang leur chef se réfugia même sur le territoire laotien. Le général chinois demanda que ce rebelle dangereux lui fût livré. Le roi de Laos, craignant l’invasion des deux armées chinoises massées sur les frontières du Tonkin et du Yunan, se contenta de chasser Tching-ki-kouang de ses états, sur les limites desquels le malheureux fut pris. Les Chinois ne furent pas les seuls adversaires du roi de Laos. L’ambition de l’empereur des Birmans, plutôt surexcitée qu’apaisée par la conquête du Pégou, se tourna bientôt vers le Laos, dont il se rendit maître. Suivant un procédé de déportation en masse encore en usage dans ces contrées[2], il contraignit même un grand nombre de Laotiens à se rendre dans le Pégou pour peupler sa nouvelle conquête ; mais ceux-ci formèrent une vaste conspiration. Les Pégouans furent exterminés partout en même temps. Les anciens esclaves, devenus les maîtres, rentrèrent en armes à Vien-Chan, où ils firent un nouveau carnage de leurs vainqueurs surpris et sans défense. Ce n’était cependant ni aux Birmans ni aux Chinois qu’il était réservé de conquérir cette partie du Laos et d’anéantir sa brillante capitale. Le peuple qui avait triomphé de ces deux terribles adversaires finit par devenir tributaire de Siam. On ne saurait déterminer l’époque, à laquelle se passa cet événement. Peut-être est-ce à la suite de la guerre de 1777. Dans tous les cas, il ne s’agissait encore que d’un simple tribut et non pas d’un droit au territoire.

Les Annamites de leur côté s’étaient répandus dans la vallée du Mékong. La rive gauche du fleuve leur appartenait sans contestation au commencement de ce siècle, à partir du 16e degré de latitude nord jusqu’au-delà du 17e, de telle sorte que dans ces limites

  1. Mémoire sur le Tonkin, du père Gaubil.
  2. À la fin du siècle dernier, quand le roi de Siam s’empara de Battam-Bang sur le Cambodge, il en expulsa tous les habitans et en attira d’autres.