pour méconnaître le rôle rempli par M. Palaçky et ses compatriotes dans la discussion des principes qui doivent relever l’Autriche. Que proposait donc le célèbre publiciste? Il demandait que chacune des races ou du moins chacune des nations historiques dont se compose l’empire fût mise en possession de ses droits; il demandait l’établissement d’une monarchie fédérative où les Tchèques de Bohême, les Magyars de la Hongrie, les Polonais de la Galicie, les Valaques de la Transylvanie, les Allemands de l’archiduché, auraient leurs institutions nationales et leur existence propre sans cesser d’être unis par les intérêts généraux, sans renoncer à la grande patrie sous le sceptre tutélaire des Habsbourg. Et de tous les systèmes proposés dans cette discussion, quel est celui qu’il combattait le plus énergiquement? C’est le dualisme, ce dualisme austro-hongrois qui se préparait déjà dans les conseils de l’empereur, et que les Slaves regardaient comme une menace de mort.
Était-ce en haine de l’Autriche, comme le croient à première vue les esprits étrangers à ces questions? était-ce pour accélérer la décomposition de la vieille monarchie que les représentans de la Bohême réclamaient une fédération? Non certes. Dès la controverse de 1865, M. Palaçky, répondant aux publicistes viennois, leur prouvait qu’ils avaient moins de foi que les Tchèques dans la mission de l’Autriche. « Ne nous séparons jamais de la confédération germanique, disaient les Allemands, ne permettons jamais à l’Autriche de se constituer en dehors de l’Allemagne; elle cesserait d’être une grande puissance, bien plus elle cesserait d’exister. » M. Palaçky répliquait aussitôt : « Étrange compliment! Quoi! l’Autriche ne peut être une grande puissance qu’à la condition de chercher en dehors d’elle-même les élémens de sa force! et le journal qui tient ce langage est un des premiers organes de l’opinion dans le cœur de l’Autriche! C’est à Vienne qu’on parle de la sorte! Pour moi, si j’avais dit pareille chose, je me croirais coupable de lèse-majesté envers l’empire; la seule explication de ces paroles à mon avis, c’est que les hommes qui pensent et parlent de cette manière tiennent beaucoup plus à la domination de la nationalité allemande qu’à la durée de l’Autriche. Nous autres Slaves, nous ne tenons pas le moins du monde à ce que l’Autriche domine l’Allemagne et l’Italie; nous sommes persuadés au contraire que le jour où l’Autriche, par de sages et libres institutions, aura donné satisfaction à ses peuples, le jour où nous pourrons tous avec raison être fiers du nom de l’Autriche, l’Autriche n’aura rien à craindre d’aucune puissance du monde[1]. »
- ↑ L’écrivain slave répondait à la Presse de Vienne, no du 20 avril 1865.