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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/620

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faisant partie du corps du maréchal Macdonald avait jeté dans la marche de tous nos détachemens la plus inextricable confusion. Au découragement des soldats s’était ajoutée la mésintelligence survenue entre les chefs depuis que Murat, chargé par l’empereur du commandement suprême, avait jugé à propos de quitter brusquement ses compagnons d’armes afin de regagner à la hâte son royaume de Naples. Il devenait évident que, malgré les efforts du prince Eugène, les Russes allaient à leur tour passer la Vistule, et qu’ils inonderaient bientôt toute l’Allemagne du nord. Dans une situation aussi critique, le maintien de l’alliance avec l’Autriche était presque notre seule ancre de salut. Quel danger n’y avait-il pas à lui donner en pareille occasion le moindre sujet de mécontentement ! Obligé pour la première fois de compter avec son beau-père, Napoléon se rappela les insinuations que celui-ci avait naguère hasardées à Dresde au sujet du pape, insinuations timides et repoussées alors avec tant de hauteur. À coup sûr, le plus pressé était de mettre sur pied les cinq cent mille hommes qui devaient au printemps prochain servir à réparer ses échecs ; mais, puisque la campagne décisive devait s’ouvrir au sein de l’Allemagne contre les Russes et les Prussiens, il n’était pas indifférent, en traitant avec Pie VII, de donner satisfaction à l’empereur d’Autriche, au roi de Bavière et à leurs sujets catholiques. Ce fut ainsi qu’au plus fort de ses préparatifs militaires, et tandis qu’on aurait pu le croire absorbé par la vive impulsion qu’il s’agissait de donner à tous les rouages de l’immense administration impériale, le vigoureux esprit de l’empereur était ramené par des raisons purement politiques à s’occuper derechef des affaires religieuses. Il savait bien qu’à lui seul incombait la responsabilité de la dernière rupture avec le pape, et que, s’il voulait renouer, c’était à lui de faire les premiers pas.

Peut-être nos lecteurs n’ont-ils pas oublié en quels termes dédaigneux Napoléon avait refusé de répondre, il n’y avait pas encore un an, aux deux lettres que le saint-père lui avait écrites de sa propre main. Ils ont probablement gardé souvenir du reproche outrageant qu’il n’avait pas craint de lui adresser d’avoir manqué à tous ses devoirs, reproche bientôt suivi de la sommation signifiée par l’entremise de M. de Chabrol d’avoir à se démettre, comme incapable, de ses fonctions de souverain pontife. Reprendre lui-même des rapports ainsi interrompus dut coûter beaucoup à l’orgueil de l’empereur ; mais il n’était pas en position d’y regarder de si près, et les contrastes ne le gênaient guère quand sa politique était en jeu. Le renouvellement de l’année fut le prétexte saisi par Napoléon. Il adressa le 29 décembre à Pie VII la lettre suivante :