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I.

De tout temps, la science a visé à l’unité. Si aujourd’hui elle ne fait plus de métaphysique dans la vieille acception du mot, elle fait toujours de la philosophie, c’est-à-dire qu’elle poursuit la formule la plus simple et la plus compréhensive tout à la fois où elle puisse enfermer la riche diversité des phénomènes et des êtres de la nature. Ni l’école critique ni l’école positiviste, qui se réunissent dans une commune réprobation de la métaphysique, ne songent à arrêter l’essor de spéculations du genre de celles de Buffon, de Laplace, de Lamarck, de Geoffroy Saint-Hilaire, de Darwin, sur les lois qui président à l’organisation des êtres animés ou à la formation des mondes. Quand l’esprit de système semble s’éteindre ou du moins languir sur un ordre d’études, on le voit se ranimer et redoubler d’ardeur sur un ordre différent. Pendant que la spéculation métaphysique satisfaite ou fatiguée s’en tient aux vieilles théories du passé, la spéculation scientifique cherche les siennes dans la voie ouverte par les sciences de la nature. On la voit débuter en physique par un grand effort vers l’unité. Ramener la chaleur, l’électricité, le magnétisme, le son, la lumière, au mouvement, principe générateur unique de ces forces, faire rentrer par conséquent toutes les branches de la physique sous les lois de la mécanique, tel est le problème en ce moment le plus à l’ordre du jour; mais ceci n’est qu’un premier pas dans la voie de l’unité. Il existe d’autres forces, telles que les affinités chimiques, que jusqu’ici la science avait paru considérer comme étant sui generis, irréductibles soit aux lois de la physique, soit à plus forte raison aux lois de la mécanique. Or la philosophie chimique cherche à démontrer que ces prétendues forces originales ne sont que les résultantes de la composition toute mécanique des atomes élémentaires, en sorte que les mouvemens intérieurs des corps rentreraient sous les lois de la mécanique aussi bien que les mouvemens extérieurs : nouveau pas fait dans la voie de l’unité. Et les actions organiques elles-mêmes, que toutes les écoles de biologie avaient attribuées à des forces propres, les forces vitales, pourquoi ne seraient-elles pas également de simples résultantes de la composition chimique des organes? Autre pas plus décisif dans la voie de l’unité. Pour arriver à l’unité absolue de mouvemens, il ne reste plus qu’un degré à franchir; c’est de confondre avec les actions cérébrales les actes psychiques proprement dits, regardés jusqu’ici comme absolument différens des mouvemens organiques. Voilà donc toute activité réduite au mouvement dans la vie universelle, tout être ramené à la