des œuvres? Toutes ces hypothèses, qui visent à l’explication la plus complète et la plus haute des choses, n’ont plus de valeur du moment qu’elles contredisent le sentiment de la réalité interne ou externe. Si l’on peut toujours dire qu’une hypothèse en vaut une autre, on ne peut ni faire prévaloir ni même soutenir une hypothèse spéculative contre un fait d’expérience.
Ici l’école critique intervient. Que parle-t-on de réalité à propos du libre arbitre et des prétendues vérités de conscience? Il faut distinguer entre le sentiment et la réalité. Nous croyons tous être libres dans l’exercice de notre volonté. Nous le croyons alors même que la science ou la philosophie essaie de nous démontrer le contraire. Rien ne peut arracher cette foi de notre âme. Quand il semble que notre raison nous a délivrés d’une croyance qu’elle traite de préjugé, ce préjugé rentre obstinément dans la pratique et y reprend tout son empire. Tout cela est incontestable; mais qu’est-ce que cela prouve? Que le sentiment de la liberté est invincible et indestructible, rien de plus. Que l’homme soit libre en réalité, comme il le croit, ceci est une autre question qu’aucune analyse psychologique ne peut résoudre, et comment le pourrait-elle? Tant qu’il ne s’agit que du sentiment, on reste dans la sphère intérieure du moi, où ne se pose jamais le problème de la réalité objective de nos sentimens et de nos idées. Dès qu’on en sort, ce terrible problème se dresse devant nous comme le sphinx de la fable. Comment le résoudre, comment démontrer que l’homme est réellement libre? Pour cela, ne faudrait-il pas avoir le secret de l’ordre universel? ne faudrait-il pas pouvoir embrasser l’enchaînement des causes, voir au fond même de l’être qui reçoit ou subit tant d’impressions du dehors? Au sein de cette nature qui l’enveloppe et le pénètre de ses influences, comment l’homme peut-il être assuré de son autonomie? Ne faut-il pas dire avec Feuerbach : « Le sentiment intérieur de notre liberté peut être une illusion, nous avons seulement ce sentiment parce que nous ne découvrons pas les fils qui unissent les causes aux effets. »
C’est Kant qui a eu le redoutable honneur d’introduire dans la philosophie moderne ce scepticisme critique fondé sur la distinction du subjectif et de l’objectif. L’expérience interne ou externe est l’unique source de nos connaissances. Or l’expérience n’atteint que des phénomènes. Les noumènes, autrement dit les choses en soi, lui échappent, et par conséquent échappent à la science humaine. Cela posé, de quoi s’agit-il dans la question qui nous occupe? Est-ce d’une simple vérité subjective, comme la sensation, la pensée, la volonté et tout acte de la vie morale? Si cela était, il n’y aurait pas de question, et les philosophes n’en seraient pas encore aujourd’hui à disputer sur le libre arbitre. C’est donc bien d’une