gion alpestre, les déserts sauvages de l’Alemtejo, n’attirent pas davantage les principaux possesseurs. « L’absentéisme, s’écrie-t-il, s’il nous est permis de nous servir de ce mot étranger, est devenu la règle de nos grands propriétaires. La plupart sont nés et sont morts sans avoir une seule fois jeté un coup d’œil sur un de leurs vastes et incultes domaines, Nos grands seigneurs, remplissant les ambassades, les armées, les tribunaux, peuplant les antichambres du palais, se seraient crus tombés dans la disgrâce du souverain, s’ils avaient passé un seul jour loin de l’astre qui leur donnait la lumière et la vie. Comment s’étonner que nos champs soient restés incultes, que les eaux abandonnées à elles-mêmes aient inondé nos fertiles alluvions, que des étendues immenses se soient couvertes de bruyères et de ronces, et que l’agriculture paralysée soit tombée dans le marasme dont elle commence à peine de sortir? » Ce triste tableau n’est vrai que pour une partie de la monarchie. La petite et la moyenne propriété ont rempli sur beaucoup de points le vide laissé par la grande.
Il appartient maintenant à la grande propriété de regagner le temps perdu, elle n’a plus les mêmes raisons pour rester inactive. Le Portugal n’est plus la monarchie despotique et nobiliaire d’autrefois; c’est un des pays les plus libres de l’Europe, un de ceux qu’anime le plus l’esprit nouveau. Si la noblesse s’endort dans son ancienne indolence, elle perdra son influence et sa richesse. L’aristocratie anglaise ne s’est maintenue qu’en s’appuyant fortement sur le sol; il n’y a d’avenir pour la noblesse portugaise qu’à la même condition. L’ancienne législation du pays favorisait à l’excès la concentration de la propriété; aujourd’hui on y tombe presque dans l’excès contraire. Depuis trente-cinq ans, il s’est passé bien peu de jours où l’ancienne féodalité politique et religieuse n’ait reçu quelque atteinte. On a commencé par supprimer les dîmes ecclésiastiques, on a prononcé ensuite l’abolition des ordres monastiques et la vente de leurs biens. Les droits féodaux ont disparu à leur tour, et en 1863 on a supprimé les majorats. Rien ne gêne donc plus la liberté du sol. On aurait tort maintenant de pousser plus loin la guerre à la grande propriété. La petite ne peut prospérer que dans les conditions qui lui conviennent. La grande lui est supérieure quand il s’agit de mettre en valeur un sol dépeuplé.
Des étendues de terre appartenant à l’état ou aux communes constituent encore ce qu’on appelle des baldios (communaux). Dans l’entraînement de la réaction, une loi de 1867 avait ordonné de les vendre ou de les louer; on a dû la rapporter devant la résistance des communes. Certainement les baldios doivent tôt ou tard disparaître. Beaucoup de terrains condamnés ainsi à la stérilité pourraient être avantageusement exploités, s’ils entraient dans le domaine de la propriété privée. Le préjugé qui défend les pâturages communs sous le nom de patrimoine des pau-