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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/829

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duit les mêmes résultats; une preuve, une seule! elle suffit. Olivier Maillard, le prédicateur de Louis XI, dans un de ses sermons, cite une phrase latine ; aussitôt il s’arrête : « Vous dites, mesdames, que vous n’entendez pas le latin et que vous ne savez ce que signifient mes paroles? Je vais vous l’expliquer. » Et il l’explique, comment? En français sans doute? Point du tout, en latin, s’il faut du moins en croire le texte écrit. Comment le croire? la plaisanterie ne serait-elle pas trop forte? Peut-on prêter à un orateur sacré une pareille mystification? Disons-le donc hardiment, jamais, même au XVIe siècle, le style macaronique n’a eu droit de cité dans la chaire; jamais il n’a eu d’existence que sur le papier; ce grotesque patois n’a jamais retenti sous les voûtes sacrées. Ainsi tombent d’eux-mêmes les reproches dont on a flétri les sermonnaires de la renaissance, de qui l’éloquence avait peut-être droit à plus d’estime et de respect; ainsi se trouve réduite à néant cette assertion de Voltaire : « Les sermons de Menot et de Maillard étaient prononcés moitié en mauvais latin, moitié en mauvais français; de ce mélange monstrueux naquit le style macaronique. C’est le chef-d’œuvre de la barbarie. Cette espèce d’éloquence, digne des Hurons et des Iroquois, s’est maintenue jusqu’à Louis XIII. »

Nous voici bien loin de notre route. Nous ne voulions qu’indiquer combien de renseignemens précieux, combien de questions intéressantes offraient au philologue les annales de la chaire. Il nous reste à convaincre ceux que possède la pure curiosité historique, le désir de connaître les mœurs, les usages, les conditions sociales et politiques du temps passé.


III.

Lorsqu’on jette sur les sermonnaires du moyen âge un regard superficiel, on n’est frappé d’abord que de l’étroite parenté qui les unit à ceux qui les ont précédés ou suivis dans la carrière, aux pères de l’église et aux prédicateurs modernes. La tradition les relie tous entre eux comme les anneaux d’une même chaîne. Chez tous, il n’y a qu’un seul thème, l’Écriture sainte, un seul but, l’interprétation, le commentaire, le développement de ce texte sacré. L’Évangile, voilà la source commune où ont puisé comme les apôtres les saint Chrysostome, les saint Augustin, les saint Dominique, les Maurice de Sully, les Olivier Maillard, les Bossuet, les Massillon, les Ravignan, les Lacordaire. — Mais si vous arrêtez sur ces prédicateurs de tous les temps un œil plus attentif, si vous pénétrez plus avant dans leur œuvre et dans leur pensée, vous vous apercevez que, partant d’un même point, l’Écriture sainte, marchant