Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/855

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coup toutes les justices de Paris, il existait dans la capitale trente juridictions différentes : huit d’essence royale, telles que le parlement, le Châtelet, la cour des aides, la connétablie, six particulières, dont les deux principales étaient celles du prévôt des marchands et du grand-maître de l’artillerie, seize féodales, représentées par l’archevêque de Paris au For-l’Évêque, par l’officialité à l’archevêché, le chapitre Notre-Dame, trois autres chapitres et onze abbayes ou prieurés. Les justices féodales furent réunies à la juridiction du Châtelet; mais il fallut composer avec l’archevêque de Paris, le prieur de Saint-Martin des Champs et l’abbé de Saint-Germain des Prés. Ces justices s’étendaient sur des quartiers sévèrement limités qui relevaient des établissemens religieux ou des institutions civiles : ainsi l’archevêque de Paris avait la juridiction sur 164 rues; l’abbé de Saint-Germain des Prés jugeait une trentaine de rues et le faubourg Saint-Germain, l’abbé de Saint-Victor 25 rues et le faubourg Saint-Victor, l’abbé de Sainte-Geneviève 54 rues et le faubourg Saint-Marceau; le prévôt des marchands avait 50 rues voisines de l’Hôtel de Ville. A parler le langage usité aujourd’hui en pareilles matières, on peut dire qu’à l’époque où Louis XIV réforma les tribunaux, la ville était divisée en trente ressorts.

Au moment de la révolution, les causes criminelles étaient jugées, — sauf les cas particuliers qui appartenaient à des tribunaux d’exception, — par le parlement et par la Tournelle, chambre considérée comme tribunal ordinaire, et ainsi nommée parce que les conseillers au parlement y faisaient le service à tour de rôle. Les affaires correctionnelles étaient confiées au Châtelet et jugées sous la présidence du prévôt de Paris. C’est là qu’on expédiait, comme aujourd’hui dans la sixième et la septième chambre, les menus délits commis par le peuple parisien, escroqueries, mendicité, vagabondage, injures. Les salles du Châtelet ne chômaient guère, pas plus que notre police correctionnelle. Nous avons pu voir chez M. Ch. Desmaze, conseiller à la cour impériale, un très curieux tableau du temps de Louis XV représentant une audience au Châtelet. Sous un dais, qui est un attribut royal, le prévôt siège en robe noire, en rabat blanc, en longue perruque poudrée. Le banc sur lequel il est assis, le dais qui l’abrite, sont en étoffe bleue à fleurs de lis d’or. Un christ est placé au-dessus du principal personnage, avec lequel un