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nent de plus en plus nets, et l’accusation se serre autour du coupable de façon à ne plus lui laisser une issue par où il pourrait échapper. Ou lui présente les pièces à conviction, on lui montre le couteau encore maculé de taches noirâtres, la casquette oubliée, la fausse clé qui a ouvert les portes, la pince qui les a brisées. On le confronte avec les témoins, et alors éclatent parfois des scènes d’une violence sauvage, — injures, sermens, affirmations, dénégations, — au milieu desquelles le juge d’instruction cherche à saisir une lueur qui éclaire la vérité. Cette confrontation entre les vivans n’est pas toujours la seule qui soit nécessaire, et il survient souvent telle occurrence qui force à mener l’assassin devant le cadavre de sa victime. Conduit à la morgue par les gendarmes en présence du juge, il est contraint de voir, de regarder les restes immobiles de ce qui fut un homme, et que nul bruit, nul regard, ne troubleront plus jamais. Dans une salle froide, très claire, où sur des dalles abritées d’un large couvercle de 4nc reposent les cadavres, on découvre le corps nu, raidi, dont la blessure est visible et béante. Le misérable a beau se reculer et détourner la tête, il lui faut contempler cette face livide et modelée par la mort, ces orbites où l’œil s’est fondu, ce ventre déjà gonflé par la météorisation. On lui dit : Le reconnaissez-vous? Il est rare qu’à voix très basse et sourde il ne réponde pas : Oui! Quelques-uns, s’armant d’impudence et d’une énergie factice, affectent de rester impassibles ou d’éprouver une impression douloureuse; d’autres, semblables à des égouts qu’une cause fortuite fait déborder, dégorgent leur crime tout à coup. Firon, une des âmes les plus bassement féroces que j’aie vues défiler devant moi pendant que j’étudiais cet épouvantable monde, lorsqu’on lui montra le cadavre de sa mère adoptive qu’il avait froidement assassinée pour voler ensuite plus facilement, essaya de paraître ému et dit : Pauvre femme! — Philippe, l’horrible maniaque qui coupait le cou aux filles, confronté à la morgue avec sa dernière victime, fit un violent effort pour demeurer calme; mais, pris d’un tremblement subit et pleurant à sanglots, il s’écria : C’est moi ! c’est moi !

Lorsque le juge, pendant l’instruction, estime qu’il y a lieu de s’emparer à la poste des lettres adressées à l’inculpé, il rend une ordonnance qui délègue un commissaire de police; celui-ci se transporte à l’administration des postes, y saisit les lettres désignées, et dresse procès-verbal de son opération. Les lettres cachetées sont données au juge instructeur, qui, ayant fait extraire l’inculpé de prison, les lui remet intactes, les lui laisse ouvrir et ne les annexe aux pièces que si elles ont une importance quelconque pour la cause. De même le juge ordonne des perquisitions dans tous les endroits