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du pseudo-Clément, dont il a fait çà et là un juste usage. Une discussion sur l’âge et le caractère de cette étrange littérature clémentine eût pourtant été intéressante.

Le Saint Paul s’ouvre au moment où l’apôtre, portant avec lui le christianisme et sa fortune, s’embarque à Séleucie, le port d’Antioche, avec Barnabé et Jean-Marc pour attaquer l’Occident. C’est aux villes qu’ils se rendent. Dans les campagnes, la tradition a de trop fortes racines, les besoins religieux n’engendrent ni mysticisme ni rêverie, et les cérémonies des aïeux suffisent à les satisfaire; puis les Juifs ont des colonies ou des ghetto dans tous les centres populeux, et l’hospitalité cordiale qu’ils offrent à leurs compatriotes étrangers assure aux missionnaires un point d’appui précieux. A qui s’adresser d’abord, si ce n’est aux Juifs? Ne sont-ils pas de la même famille religieuse, n’ont-ils pas les mêmes livres sacrés, la même éducation, les mêmes habitudes d’esprit? Sans parler de la primauté d’Israël sur les gentils, que Jésus avait attestée et que tous ses disciples à cette heure reconnaissaient sans conteste, c’était comme une nécessité de situation d’aller d’abord à ceux avec qui on avait tant d’idées communes. C’est ce que Paul fit partout. Sans descendre jusqu’aux purs païens, philosophes ou politiques, avec qui on n’avait nul point de contact et qu’on n’avait guère chance de gagner, la matière sur laquelle les missionnaires pouvaient travailler fructueusement ne manquait pas. Entre les Juifs orthodoxes et les païens entêtés, les deux classes où la propagande chrétienne eut le moins de prise, il y avait les prosélytes juifs, les gens « craignant Dieu, » ensuite toute une masse confuse de bonnes âmes fatiguées des pompes bruyantes et vides de la religion commune, portées par le naturel effort d’une conscience pure à chercher un idéal au-delà du monde, et inclinant déjà vers un monothéisme plus ou moins décidé. C’est dans ce milieu obscur et un peu trouble que le christianisme se recrutera presque exclusivement pendant les deux premiers siècles.

La carrière apostolique de Paul se résume en trois voyages circulaires dont le rayon s’est étendu chaque fois un peu plus vers l’occident et le nord. Le point de départ, ainsi que le point d’arrivée, est constamment Antioche. Après chacune de ces courses, le livre des Actes ramène Paul à Jérusalem, comme s’il eût eu besoin de se retremper et de fortifier son autorité auprès des douze. Il est certain que c’est là que sa carrière vint échouer, mais on peut douter qu’il y soit allé si souvent. Antioche était la ville de son cœur et comme sa patrie d’adoption. C’est là qu’il avait trouvé sa voie, là que résidaient ses plus vieux amis et ses premiers disciples. Il y revenait leur conter ses luttes et ses succès, chercher auprès d’eux le soutien dont les âmes les plus fermes ont besoin. Dans sa pre-