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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/900

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Paul, dans l’Apocalypse, composée peu de temps après ; elle est éclatante dans les Homélies et les Reconnaissances du pseudo-Clément.

Il ne pouvait pas venir à l’esprit des fidèles de Palestine, vivant dans un horizon fermé, loin de tout mouvement d’idées, que le judaïsme était chose finie, que le culte des aïeux et les saintes traditions conservées à travers tant d’épreuves étaient stériles. Pour eux, le temple était, sinon la dernière et inviolable forteresse de la patrie, tout au moins l’unique et universel refuge de la vraie piété ; les coutumes et les traditions sacrées demeuraient le signe d’élection et de ralliement d’Israël dispersé. Leur fallait-il donc répudier leur vieille noblesse, apprendre à se détacher du sanctuaire et à blasphémer l’héritage d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ? Or qui ne voyait que Paul, bien qu’il fût en général assez facile et coulant quand il n’était pas poussé à bout, déchirait le vieux pacte, enseignait l’inutilité et l’indifférence des pratiques, et proclamait l’égalité devant Dieu du Juif et du païen ? Qui ne voyait que son évangile avait pour conséquence l’abolition de la loi ? N’avait-il pas dit que Dieu n’habite pas dans les temples construits par la main des hommes, sans faire de réserve pour le temple saint de Jérusalem ? Ne déclarait-il pas vaines les distinctions des jours et des viandes ? Ne disait-il pas qu’on peut sans manquer à Dieu manger à la table des païens des chairs offertes aux idoles ? N’insinuait-il pas que la circoncision est une mutilation stérile et ridicule ? Le dévot Jacques, qui usait ses genoux sur les dalles du temple, les fidèles qui l’admiraient comme le type de la sainteté et le modèle du parfait chrétien, pouvaient-ils apprendre sans horreur qu’on professât publiquement le mépris de leurs pieuses austérités ? C’était un strict devoir de défendre la vérité outragée et de démasquer le blasphémateur. À dater du scandale d’Antioche, où Paul s’était dévoilé, le parti des judaïsans, à l’instigation de Jacques, s’y appliqua par tous les moyens. On ne se fit pas scrupule de fabriquer de fausses lettres de l’apôtre. On le représenta comme un séducteur, un agent de troubles et de divisions, un falsificateur de la parole de Dieu, un apostat, un ministre de Satan. Sa parole courait, disait-on, à la manière d’une épidémie. Les émissaires des douze venaient comme de prudens médecins guérir les malades qu’il avait faits, et rendre la santé à ceux que sa corruption avait atteints. On niait surtout son droit d’enseigner et la légitimité de sa mission. De qui la tenait-il ? Pouvait-il dire qu’il eut été institué par Jésus, lui qui n’avait pas seulement vu son visage, ni entendu sa voix ? Il s’était improvisé missionnaire, il était apôtre de par sa seule fantaisie. Il alléguait ses visions, quelle preuve en donnait-il ? Il fallait l’en croire sur parole. Ne sait-on pas d’ailleurs que les visions sont