visions. Au fond, elle n’était pas plus coupable que tout le monde; on peut même affirmer qu’elle avait moins à se reprocher que ceux qui l’accusaient. Qui donc avait déconsidéré le pouvoir et rendu sa chute inévitable, sinon ceux qui pendant dix-huit ans l’avaient attaqué sans mesure dans les chambres et maltraité dans les journaux, et qui trouvaient bon de le regretter après avoir aidé à le détruire? Dans ces sortes d’examens de conscience auxquels les événemens les forcent quelquefois, les hommes politiques sont ingénieux à s’excuser. Ils trouvent mille raisons pour se démontrer à eux-mêmes leur innocence, et si par bonheur ils peuvent imaginer autour d’eux quelque coupable qui ne réclame pas trop, ils s’empressent de le désigner à l’opinion publique, et croient s’absoudre en le frappant. C’est ainsi que l’Université fut choisie pour expier la faute commune. Il fut entendu, à la chambre et dans les journaux, que l’enseignement secondaire avait produit tous les désordres dont on souffrait, et que notamment les classes de rhétorique étaient coupables de la révolution de février. Les écrivains catholiques se chargèrent de démontrer qu’il n’était pas possible de lire les discours du césarien Tite-Live ou d’expliquer les beaux vers de Virgile et d’Horace, ces amis dévoués d’Octave, sans devenir immédiatement républicain. Quant au socialisme, dont on était si effrayé, Bastiat, un penseur vigoureux, mais quelquefois paradoxal, établit qu’il sortait directement du baccalauréat. C’était tirer un bien grand effet d’une petite cause et imiter les anciens, qui attribuaient le bruit du tonnerre au roulement d’un char sur un sol d’airain; mais comme on est crédule quand on a peur, ces beaux raisonnemens suffirent pour convaincre bien des gens, et la société, fort satisfaite d’avoir trouvé la cause de sa maladie, se disposa, pour se guérir, à punir rigoureusement « ce pelé, ce galeux d’où venait tout le mal. »
C’est dans ces circonstances que la loi de 1850 fut faite. Elle était juste dans son principe : la constitution avait solennellement promis la liberté de l’enseignement, il fallait bien la donner. Cette question, devant laquelle on reculait depuis si longtemps, fut franchement abordée par M. de Falloux. Cette fois la chambre et le pays avaient à cœur de la résoudre. La loi fut préparée dans une commission composée des membres les plus importans du parti catholique et de plusieurs de ces anciens libéraux si opposés autrefois aux doctrines ultramontaines, et que les événemens avaient convertis. M. de Montalembert y donnait la main à M. Thiers. Naturellement l’Université faisait les frais de leur réconciliation. La loi nouvelle lui était très défavorable; ce ne fut pourtant pas elle qui l’accueillit le plus mal. Les catholiques, dont on croyait combler les vœux, affectèrent de se montrer les plus mécontens. C’est en vain