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cela seul qu’il y avait changement de valeur dans l’instrument de paiement.

En résumé, nous ne nions pas la hausse des prix en général, nous croyons qu’elle a eu lieu depuis 1850 dans une proportion beaucoup plus forte qu’auparavant; nous croyons même qu’elle est en partie due à l’influence des mines d’or, mais à l’influence s’exerçant par voie de stimulant, poussant au développement de l’industrie et de l’activité sociale, augmentant la prospérité publique, et non par voie de dépréciation. La différence est essentielle; si l’augmentation des prix est le résultat du développement de la prospérité, d’une concurrence plus grande pour les mêmes choses, il n’y a qu’à s’en applaudir : on est plus riche, on consomme davantage, cela se traduit naturellement par plus de bien-être. Si elle vient au contraire de la dépréciation monétaire, toutes les situations sont faussées, on ne sait plus sur quoi compter; le débiteur se libère pour des sommes moindres que celles qu’il a empruntées, le créancier est lésé injustement; il faut un long temps pour que des rapports nouveaux s’établissent en vue de cette dépréciation, outre qu’il est parfaitement inutile d’avoir plus de numéraire qu’il n’en faut pour les transactions, et d’être obligé, comme le dit Hume, de donner plus de pièces jaunes ou blanches pour acquérir les mêmes choses. Dans la première hypothèse, il y a bien trouble aussi, mais ce n’est point parce que le débiteur paie moins qu’il ne doit et qu’il n’a reçu; la somme qu’il donne a toujours intrinsèquement et rigoureusement la même valeur; seulement le prix de la plupart des choses a changé, parce qu’il y a eu progrès dans la richesse publique. Qui peut s’en plaindre? Les oisifs et les rentiers. Tant pis pour les oisifs; la société démocratique ressemble de plus en plus à une ruche où chacun a sa place à la condition de travailler. Si on travaille, on est au niveau des changemens ; les salaires, les traitemens, les profits, augmentent. Si on ne travaille pas, on est débordé, cela est naturel. Quant aux rentiers, à ceux surtout qui ont des revenus fixes, ils n’ont pu penser que la société resterait immobile parce que leurs revenus l’étaient. C’est à eux de prendre part à l’activité générale et d’augmenter leurs ressources par le travail. En un mot, on ne peut pas se plaindre d’une élévation de prix qui est l’indice de la prospérité, la glorification du travail, tandis qu’on aurait à regretter qu’elle fût seulement le résultat d’une diminution dans la valeur de la monnaie. En définitive, quelles sont aujourd’hui les sociétés les plus riches? Ce sont celles où les prix sont le plus élevés. On n’a qu’à considérer l’Italie et l’Espagne, où tout est à bas prix, et l’Angleterre et la Hollande, où tout est cher. Les gens qui se récrieraient contre une élévation de prix qui