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pourquoi, mettant sans hésiter les premiers torts de son côté, et dans le dessein évident de lier de plus en plus le malheureux Pie VII, il prit brusquement la résolution de communiquer au sénat, le 14 février 1813, les articles d’un arrangement jusqu’alors resté secret, et qui, d’après les termes mêmes dans lesquels il était conçu, n’avait encore rien de définitif. Surprendre et effrayer ses adversaires, tel avait toujours été le procédé favori de l’empereur. A vrai dire, il n’en connaissait pas d’autre ; mais le temps était venu où la surprise et les menaces allaient cesser d’agir même sur des personnages aussi faciles à émouvoir que le pape et ses conseillers. Napoléon n’avait pas assez réfléchi qu’en divulguant prématurément les concessions arrachées au saint-père il affaiblissait d’autant la situation de cette partie des membres du sacré-collège qui recommandaient avant tout un prudent silence, ou qui avaient mis leurs espérances dans de prochains compromis, et qu’il prêtait au contraire de nouvelles armes aux partisans d’une complète et immédiate rétractation. Consalvi, qui avait hâte de voir dénoncer le concordat de Fontainebleau, était trop habile pour ne pas profiter de la faute de l’empereur. Il s’en servit pour amener à son opinion ses collègues les plus timides, et ce fut lui qui, en qualité d’ami et de confident le plus intime de Pie VII, fut chargé de lui communiquer l’avis auquel s’était maintenant ralliée la majorité des cardinaux. « Quelque amère et pénible que dût paraître cette rétractation, le vertueux pontife, dit le cardinal Pacca, loin de s’en troubler, l’accueillit avec joie et l’approuva entièrement[1]. » Restaient à trouver les moyens d’exécution.

Plus que jamais, les précautions devenaient nécessaires, car le duc de Rovigo, qui se doutait de quelque chose, avait inondé le palais de ses agens. Ainsi que nous l’avons raconté, quelques-uns des cardinaux logeaient dans la ville, et parmi eux se trouvait le cardinal Pignatelli. Non-seulement le cardinal Pignatelli était vieux et infirme, mais, frappé d’apoplexie pendant le temps de sa détention à Rethel, il pouvait à peine quitter sa chambre. Par déférence pour sa personne et aussi afin de se dérober à leurs incommodes surveillans, les membres du sacré-collège les plus opposés à l’empereur avaient pris l’habitude de se donner presque tous les jours rendez-vous dans sa maison. Les cardinaux Saluzzo, Ruffo (Scilla), Scotti, Galeffi et Consalvi, s’y trouvant réunis un soir, en vinrent à discuter, toutes portes fermées, les mesures à prendre. « Plusieurs pensaient que le pape devait, par un écrit signé de sa main, déclarer nuls et sans valeur les articles du concordat, communiquer ensuite cette déclaration au sacré-collège, et en faire circuler dans le

  1. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier, p. 320.