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gens-là[1]. » Afin de calmer un peu l’irritation de son maître, M. Bigot s’empresse de l’assurer dès le lendemain qu’il n’y a rien à redouter du côté de Fontainebleau. « Tout y est, écrit-il le 14 mars 1813, dans le plus grand calme. Il ne paraît même pas, d’après les rapports que j’ai demandés, qu’on ait l’intention de rien troubler par des correspondances. Les cardinaux sont divisés entre eux. Ceux qui ne logent point dans le palais ne mettent pas d’empressement à faire leur cour au pape. Ils n’y vont guère qu’une demi-heure tous les cinq ou six jours. Ce sont les cardinaux Pacca, Litta et Consalvi qui semblent avoir le plus la confiance du saint-père, qui fait peu de cas des autres et ne le dissimule guère[2]. »

Les menaces de Napoléon ne devaient pas lui servir beaucoup, et les renseignemens de M. Bigot n’étaient pas, on va le voir, très exacts. Peu de jours en effet après l’échange de cette correspondance entre l’empereur et son ministre, le pape faisait demander le commandant Lagorse, et lui remettait, le 24 mars au matin, une lettre bien différente de celle que l’on souhaitait à Paris avec tant d’impatience. La teneur de la rétractation de Pie VII est parfaitement connue. Elle a été maintes fois publiée; mais les termes en sont si touchans, elle fait tellement partie essentielle de cette histoire que nous nous reprocherions de n’en pas reproduire au moins les principaux passages.


« Sire, disait le pape, quelque pénible que soit à notre cœur l’aveu que nous allons faire à votre majesté, quelque peine que cet aveu puisse lui causer à elle-même, la crainte des jugemens de Dieu, dont notre grand âge et le dépérissement de notre santé nous rapprochent tous les jours davantage, doit nous rendre supérieur à toute considération humaine et nous faire mépriser les terribles angoisses auxquelles nous sommes en proie en ce moment. Commandé par nos devoirs, avec cette sincérité, cette franchise qui convient à notre dignité et à notre caractère, nous déclarons à votre majesté que depuis le 25 janvier, jour où nous apposâmes notre seing aux articles qui devaient servir de base au traité définitif dont il y est fait mention, les plus grands remords et le plus vif repentir n’ont cessé de déchirer notre âme. Nous reconnûmes aussitôt, et une continuelle et profonde méditation nous fait sentir chaque jour davantage l’erreur dans laquelle nous nous sommes laissé entraîner, soit par l’espérance de terminer les différends survenus dans l’église, soit aussi par le désir de complaire à votre majesté. Une seule pensée modérait un peu notre affliction, c’était l’espoir de remédier par l’acte de l’accommodement définitif au mal que nous venions de faire à l’église en souscrivant ces articles; mais quelle ne fut pas notre douleur

  1. L’empereur au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, 13 mars 1813.
  2. Le ministre des cultes à l’empereur, 14 mars 1813.