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ou six lignes, disant que dans les circonstances actuelles on compte sur leur zèle pour la patrie et sur leur attachement pour ma personne[1]. »

Tandis que Napoléon adressait à M. Bigot cette communication passablement découragée, où se révèle une si sûre intelligence de la manière dont les évêques de son empire allaient apprécier les événemens en voie de s’accomplir, il était non moins intéressant pour lui de se rendre compte de l’effet que la nouvelle de ses revers avait produit sur le souverain pontife, toujours détenu à Fontainebleau.


III.

Est-il besoin d’expliquer à nos lecteurs comment, malgré les ordres de l’empereur, la séquestration à laquelle le pape fut soumis à Fontainebleau après sa lettre du 25 mars 1813 n’avait pu être aussi sévère que celle dont il avait à Savone supporté avec tant de patience les rudes épreuves? L’enlèvement du cardinal di Pietro avait douloureusement affecté Pie VII, car il aimait beaucoup ce membre du sacré-collège et faisait le plus grand cas de ses connaissances doctrinales. C’était à lui qu’il s’en remettait le plus volontiers de la solution des graves difficultés qui tourmentaient sa conscience pontificale; mais depuis sa récente rétractation le saint-père, « soulagé, suivant ses propres expressions, du poids énorme qui l’avait oppressé jour et nuit, » n’avait plus le même besoin de faire appel à la science de son théologien préféré. La société habituelle de ses dévoués partisans les anciens cardinaux noirs, la possibilité de recourir aux avis de Consalvi et de Pacca, ses anciens secrétaires d’état et ses conseillers politiques les plus écoutés, suffisaient à lui procurer une sorte de tranquillité d’esprit relative. Quant à l’absence des prélats français attachés à la cause impériale, elle était plutôt pour lui une délivrance. Il ne faut pas d’ailleurs oublier qu’une partie des cardinaux logeaient en dehors du palais. Par leur intermédiaire, Pie VII avait pu, en dépit de la jalouse surveillance de M. de Rovigo, communiquer presque régulièrement avec la plupart des diocèses de France et d’Italie. C’est ainsi qu’il avait trouvé moyen, non-seulement de faire connaître à toute la chrétienté le désaveu dont il avait frappé le concordat de Fontainebleau, mais d’envoyer de secrètes instructions aux chapitres troublés où s’agitait, comme à Gand, à Tournai et à Troyes, l’orageuse querelle de l’administration des vicaires capitulaires. Il s’en fallait aussi de beaucoup que, pour l’exactitude des renseignemens et la justesse des observations, la correspondance du commandant de gendarmerie

  1. L’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, Saint-Cloud, 20 novembre 1813. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXVI, p. 450.