Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/994

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le mander au ministre des cultes, s’il était même beaucoup plus calme d’esprit qu’il ne l’avait été après la signature du concordat de Fontainebleau, était cependant bien loin d’attendre dans l’inaction ce qu’allaient décider les événemens. Il les sentait au contraire venir, non-seulement avec placidité, mais avec une certaine confiance. Peut-être pourrait-on même ajouter que, par des qualités bien opposées à celles de l’homme extraordinaire avec lequel il était entré en lutte. Pie VII se trouvait en cet instant mieux préparé que lui à toutes les éventualités que recelait l’avenir. Le triomphe de Napoléon, s’il fût rentré victorieux à Paris, ne l’eût probablement pas abattu outre mesure ; nous doutons que sa défaite lui ait causé une grande joie. Depuis qu’elle avait recouvré sa paix intérieure, cette âme candide, rentrée dans la pleine possession d’elle-même, s’était comme naturellement élevée dans des régions supérieures et sereines où les chances de la bonne ou de la mauvaise fortune n’avaient plus le don de l’émouvoir beaucoup.

Il n’en était point ainsi de l’empereur. Les mêmes motifs ou à peu près qui, avant la guerre d’Allemagne, lui avaient fait si vivement désirer de s’entendre avec le saint-père devaient le porter à substituer, si cela était possible, quelque transaction nouvelle au concordat de Fontainebleau, maintenant hors de cause. Il est notoire que cette pensée traversa plusieurs fois son esprit. Des documens authentiques établissent qu’il agita diverses combinaisons, plus ou moins réalisables, pendant les deux mois, pourtant si occupés, qui furent consacrés à réunir autour de lui à Paris les jeunes recrues et les vieux soldats de toute provenance avec lesquels il allait entreprendre la glorieuse campagne de France. Cependant, si ces plans un peu chimériques aboutirent à quelques commencemens d’exécution, jamais ils ne saisirent très vivement l’imagination de l’empereur, peu habitué à s’éprendre de conceptions dont il ne pouvait attendre un profit immédiat et considérable. Ce n’était pas le cas en ce moment. Il était clair que le saint-père et ses conseillers, sentant tous leurs avantages, se montreraient désormais assez exigeans.

Il s’agissait en effet, non plus de leur rien imposer, mais au contraire de tout leur céder. Jamais personne ne fut pressé d’entrer en négociations pour arriver à de semblables résultats. La seule perspective en était odieuse à l’orgueil de Napoléon ; mais cet orgueil lui disait aussi qu’il serait bientôt réduit à faire la paix avec les puissances coalisées, et déjà il savait par le duc de Vicence qu’elles exigeraient certainement la restitution des états du saint-siège. Mieux valait alors traiter d’avance et directement avec le saint-père, c’est-à-dire avec un souverain qui était encore son prisonnier, et dont il obtiendrait sans doute, en retour d’un bon procédé, quelques avantageuses concessions. Tels étaient les mobiles qui allaient diriger la