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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/1012

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résultat d’une loi d’habileté politique et d’ignorance, n’étaient qu’une guerre autorisée, légale, acharnée, entre patrons et ouvriers, conduisant inévitablement à un trouble incessant dans la production, à l’impossibilité pour bien des chefs d’industrie de soutenir la concurrence dans des conditions si précaires, à la prédominance des brouillons et des audacieux, des meneurs politiques, sur les ouvriers laborieux et honnêtes. Et en définitive quelle est la conséquence ? Certaines industries émigrent. Bâle, Zurich, la Belgique, profitent des souffrances de la fabrication française. L’Angleterre a bénéficié des grèves parisiennes, des grèves lyonnaises, des troubles de Roubaix. Les coalitions ne sont point assurément la seule raison des perturbations récentes du travail français ; elles en sont une cause essentielle. Elles ne sont pas seulement une déperdition de forces et d’intérêts pour les ouvriers, elles atteignent la puissance de la France dans une de ses plus vivaces racines. Voilà comment elles se rattachent encore à la politique, mais non comme l’entendent les réformateurs de l’Association internationale, et c’est pourquoi aussi elles devraient être, de la part du gouvernement et du parlement, unis dans une même pensée, l’objet d’une large, d’une sincère et sérieuse enquête.

Nous n’avons pas encore notre corps législatif, qui reste ajourné au 29 novembre. L’Angleterre n’a pas non plus son parlement, qui ne doit se réunir que plus tard, et qui, après avoir résolu l’an dernier la question religieuse d’Irlande, trouvera toute palpitante la question agraire. L’Italie ne sait pas à quel moment précis ses chambres seront convoquées, et en attendant elle semble atteinte du mal d’une crise ministérielle vaguement pressentie. Pour ces pays, les vacances politiques ne sont pas terminées ; elles sont finies en Allemagne, où l’activité parlementaire se réveille. Après les chambres du grand-duché de Bade, ce sont les chambres saxonnes qui se sont réunies à Dresde il y a quelques jours, et après le parlement de Dresde c’est le parlement de Berlin qui entre en session, inauguré par un discours du roi Guillaume. C’est le privilège de cette vie publique de parlement de dissiper les fantômes, d’en finir avec tous les bruits qui se propagent dans le silence, avec ces rumeurs inquiétantes qui font leur chemin pendant que la politique officielle semble se reposer. Le fait est qu’après bien des frémissemens belliqueux il n’y a plus en Allemagne que des apparences et des signes de paix. Le voyage du prince de Prusse à Vienne et l’accueil qu’il a reçu sont sans doute un de ces symptômes pacifiques ; mais c’est surtout dans ce commencement de vie parlementaire sur plusieurs points d’Allemagne qu’on sent l’apaisement et, pour mieux dire, l’ajournement presque indéfini des questions qui pourraient rallumer les conflits en Europe, dont on se faisait naguère encore un épouvantail. À Dresde, le discours du roi de Saxe atteste pleinement l’intention de ne rien tenter contre les traités, de ne se dérober en aucune