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plaine immense du firmament ! Le jehovisme était poétique à ses heures ; mais toute la poésie du monde ne l’eût pas attendri une minute du moment qu’il s’agissait de réaliser son idée. La destruction des taureaux d’or, la profanation des hauts lieux, tel fut l’inexorable programme des jehovistes, qui voulurent absolument que l’arche de Jebovah, avec son dieu invisible et sans épouse, avec son parfum monothéiste, fût le seul centre autorisé de culte public. À l’unité de Dieu devait correspondre l’unité d’autel ; autrement tout restait toujours en question. Depuis lors aussi, les rois qui voulurent vivre en bons termes avec ce parti des rigides durent partager leur zèle iconoclaste, et conformer autant que possible les lois à leurs exigences. On comprend dès lors cette succession de rois qui, selon le dire des historiens jehovistes, font ou ne font pas « ce qui est droit devant Jehovah. » Les uns, par politique ou conviction, se rendirent aux vœux du parti monothéiste ; les autres aimèrent mieux revenir à l’état de choses antérieur. Quelques-uns allèrent même jusqu’à la lutte ouverte, comme Achaz par exemple, qui favorisa de tout son pouvoir le culte de Moloch, et donna l’exemple d’immoler un de ses fils à l’effrayante divinité des Hammonites. L’influence assyrienne, très puissante alors, peut avoir contribué à ce retour de fanatisme sémitique. Ézéchias au contraire se signala par sa ferveur monothéiste, et dévasta de son mieux les monts sacrés ; mais son successeur Manassé s’empressa de les purifier, ce qui prouve que la profanation des hauts lieux n’avait pas été goûtée de tout le monde.


IV

Si l’on veut bien se rappeler qu’avec Ezéchias nous sommes en plein VIIIe siècle, on verra que nous avons tenu l’engagement que nous avions pris. Il s’agissait de passer graduellement du polythéisme sémitique, religion primitive des Israélites, à ce remarquable monothéisme dont les prophètes du VIIIe siècle sont les organes. Voici le chemin que nous avons suivi : de la notion la plus générale de la mythologie sémitique, celle de la force suprême, qui dure, qui vivifie ou qui tue, Moïse tire une conception religieuse encore purement nationale, mais préservée des exagérations idolâtriques par les souvenirs de la simplicité patriarcale et relevée par un sens moral déjà développé. Le dieu traditionnel de son peuple devient par là un être divin très distinct des autres, qu’on adore seul à l’autel central de la confédération, où il n’est représenté sous aucune forme visible et d’où les rites impurs sont bannis. Ce culte tout local n’exclut ailleurs ni les symboles visibles de ce dieu national, ni l’adoration d’autres divinités parentes ; mais il