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de Dieu en dehors des lois générales de la nature, sont de l’essence même du christianisme et appartiennent naturellement à son histoire. Comment en serait-il autrement ? Le christianisme, et je dis aussi le spiritualisme, distinguent essentiellement Dieu, être personnel et libre en même temps qu’infini et immuable, de cet ensemble de faits et de lois permanentes qu’observe scientifiquement l’esprit humain et que nous appelons la nature. Le matérialisme et le panthéisme repoussent seuls cette distinction, l’un en ne voyant dans la nature que la matière, l’autre en faisant de la nature et de Dieu un seul et même être. La distinction entre Dieu et la nature une fois admise, qui dira que Dieu, au moment de la création, a épuisé sa puissance et sa liberté dans la nature ? Qui affirmera que les faits et les lois que notre science y observe sont les seuls faits, les seules lois qui puissent y exister ? Qui sondera dans leur ensemble et leur portée les desseins et l’action de Dieu, et leur dira comme à l’océan : « Tu iras jusque-là et pas plus loin ? » Tel que le christianisme et le spiritualisme conçoivent et reconnaissent Dieu, le miracle est du mystérieux et de l’inexpliqué, non de l’impossible.

Je résume en termes précis les deux grands caractères du christianisme : il est, non pas un système, mais une histoire, l’histoire des rapports directs et spéciaux de Dieu avec le genre humain ; les miracles prennent naturellement place dans cette histoire.

Les ennemis systématiques du christianisme ne s’y trompent pas ; c’est à son histoire et à ses miracles que de tout temps ils ont déclaré et que de nos jours ils font la guerre. Ils contestent l’authenticité des documens ; la réalité des faits, la possibilité des miracles. Leur critique historique et leur controverse philosophique portent sur ces trois points tout leur effort. Érudits ou métaphysiciens, ils comprennent parfaitement que là résident le caractère propre et efficace, l’essence et la puissance de la religion chrétienne. Pour la détruire, ils l’attaquent dans ce qui fait précisément son originalité et son droit.

Je fais en passant une observation. Dans cette double attaque contre les faits et les miracles chrétiens, ce sont les miracles qui tiennent le premier rang. Je n’hésite pas à dire que la plupart des adversaires du christianisme, tous peut-être, ont commencé par avoir, sur la question des miracles, une opinion préconçue, un parti-pris. C’est en rejetant d’avance et absolument les miracles qu’ils examinent l’authenticité des documens chrétiens, l’autorité des témoins, la réalité des récits. Si les miracles n’étaient pas là, on trouverait les faits historiques chrétiens bien plus vraisemblables et les preuves sur lesquelles ils reposent bien plus fortes. L’histoire primitive du christianisme est beaucoup mieux établie, beaucoup plus