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se préoccupe et que le sénatus-consulte ne résoudra pas. Évitons que la querelle s’envenime, tâchons plutôt de l’étouffer, et que le directeur nouveau s’attribue en cette affaire ce rôle conciliant et libéral de tous les héritiers de la couronne ; puis, ce différend vidé à l’entière satisfaction du public, qui ne demande qu’à voir rester M. Capoul, qu’on aborde le chapitre des femmes. De ce côté, la détresse est absolue. Au premier rang, personne, pas un nom. M. du Locle, au fond très convaincu des exigences de la situation, parcourait naguère l’Allemagne, et s’en allait à Vienne pour entendre Mlle Enne et s’entendre avec elle, s’il y avait lieu. Agir ainsi, c’était se croire encore à l’Opéra. Un directeur de l’Académie impériale peut, à tout prendre, emprunter son bien à l’étranger. Le grand succès de Mario, de la Cruvelli, témoignerait au besoin en faveur de cette expérience, et on aurait dû la renouveler tout récemment en engageant Mlle Krauss, qui du moins nous aurait ouvert d’autres perspectives sur un pays déjà parcouru depuis trop longtemps à la suite de Mme Marie Sass. Il n’en est pas de même de l’Opéra-Comique, théâtre non-seulement national, mais parisien, théâtre de genre et de conversation, où prévaudront toujours les qualités qui résultent d’une éducation toute française, où la virtuosité locale, si je puis m’exprimer ainsi, d’une Saint-Aubin, d’une Damoreau, d’une Carvalho, défiera éternellement l’art cosmopolite des Malibran et des Patti.

J’ai nommé Mine Carvalho. Qui sait si on ne la verra pas un de ces jours créer un rôle sur ce théâtre de ses premiers succès, et par la même occasion passer en revue tout son petit répertoire ? Les rapports d’intimité qui existent entre le nouveau directeur et l’administration de l’Opéra rendront faciles ces allées et venues dont tout le monde profitera. La troupe de l’Opéra, assez riche en somme, peut, sans se décompléter, aider en telle circonstance au ravitaillement comme à la fortune d’une autre scène. En ce sens, un directeur de l’Académie impériale qui tiendrait sous sa main le Théâtre-Lyrique serait à même de réaliser de beaux projets, car c’est là surtout que s’exercerait en grand cette faculté de se dédoubler. L’Opéra compte aujourd’hui trois ou quatre ténors, M. Colin, M. Delabranche, M. Bosquin, qui va débuter dans la Favorite ; ses cantatrices, on les connaît, Mme Carvalho, Mme Sass, Mme Gueymard, Mlle Mauduit, Mlle Hisson, Mlle Bloch. Je ne parle pas de Mlle Nilsson, laquelle, pour ainsi dire, ne fait point partie de la troupe et n’a que des fulgurations intermittentes. Quant aux secondes voix, barytons et basses, dont l’échelle commence à M. Faure et finit à M. Caron, la nomenclature en serait trop longue. Que de brillantes combinaisons ne faciliterait pas un pareil personnel, dont une moitié, qui reste à se croiser les bras six mois de l’année, serait alors toujours employée, la troupe du Théâtre-Lyrique, forte d’un tel appui, verrait naturellement diminuer ses frais. On agirait par surcroît tous les élémens du ballet, toutes les