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dictature ou à leurs utopies et qui se figurent avoir un droit sur elle, ce sont tous ceux-là qui font courir ces bruits.

La France se prête ou se laisse prendre quelquefois, elle ne se donne pas irrévocablement et sans conditions ; elle garde sa pensée. Pendant ces soixante ans qui viennent de s’écouler, elle n’a été mobile ni quand, lasse de la guerre, elle s’est détournée de l’empire pour se réfugier à l’ombre d’une vieille monarchie renaissante qui lui rendait un peu de liberté, ni quand elle a déserté cette monarchie, qui voulait la ramener en arrière par des coups d’état, ni quand elle a laissé tomber une république qui ne lui donnait pas la sécurité ; elle ne l’est pas davantage maintenant parce qu’elle sent se réchauffer dans ses veines le vieux sang de 1789, et qu’elle se remet en mouvement après une période de repus qu’on ne croyait pas sans doute éternelle. Au fond, elle poursuit toujours le même but à travers toutes les expériences. Ce qu’elle veut, c’est une liberté vraie et régulière, progressivement développée, qu’elle ne soit pas obligée sans cesse de disputer aux révolutions et aux autocraties. Ouvrez l’horizon devant elle, frayez-lui le chemin, elle ne demande pas mieux que d’y marcher avec sûreté sans avoir toujours à craindre les résistances ou les surprises. Il n’en faut pas beaucoup pour la tranquilliser, on le voit aujourd’hui.

C’est une chose à constater en effet, une chose d’une sérieuse et favorable signification. Depuis quelques jours, il s’est produit une sorte de détente et d’apaisement d’opinion à la suite des émotions qui ont été un instant comme un pressentiment et une illusion de la vie libre, en attendant que nous en ayons toutes les réalités. Telle est la salutaire efficacité d’une inspiration juste ou opportune, qu’il lui suffit de se manifester avec une apparence de sincérité pour dégager une situation. Il y a deux mois à peine, l’ardeur de la lutte était partout, une excitation contagieuse gagnait les esprits, l’instinct public se communiquait aux plus modérés. On ne doutait pas de la puissance d’un mouvement qui grandissait à vue d’œil, au point de rallier ceux qui, la veille encore, étaient des candidats officiels dans les élections ; mais on se demandait ce qu’allait décider le gouvernement, s’il résisterait ou s’il céderait, et c’est ce qui faisait de la courte session du mois de juillet un vrai drame politique dont le dénoûment ne laissait pas de tenir le pays dans une attente agitée. Aujourd’hui ce n’est plus ainsi, la fièvre est tombée ; la situation s’est détendue. L’opinion a retrouvé une certaine tranquillité et une certaine aisance parce qu’elle se croit victorieuse, parce qu’elle ne vit plus en face de cette obsédante perspective de conflits toujours dangereux. Un peu de cette sérénité nouvelle se reflète dans la session des conseils-généraux. M. Emile Ollivier fait plus que jamais des discours ministres, et s’exécute résolument dans l’assemblée départementale du Var, dont il a été nommé président pour la première fois.